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682769-129

D'ANTOINE FROMENT

ADVOCAT AU PARLEMENT DU DAUPHINÉ

SUR L'INCENDIE DE SA PATRIE

LES SINGULARITEZ DES ALPES

EN LA PRINCIPAUTÉ DU BRIANÇONOIS

AVEC PLUSIEURS AUTRES CURIEUSES REMARQUES SUR LE PASSAGE DU ROY
AUX ITALIES, RAVAGES DES LOUPS, PESTES, FAMINES,

AVALANCHES, ET EMBRASEMENTS DE PLUSIEURS
VILLAGES, Y SURVENUS DE SUITE.

A GRENOBLE,

PAR PIERRE VERDIER IMPRIMEUR DU Roy,

en la sale du Palais.

M. DC. XXXIX.

PRÉFACE

Le livre de Froment a été, de la part de quelques historiens et biographes dauphinois, l'objet d'appréciations d'une singulière dureté.

« C'est un Essai quelque peu indigeste,» a dit M. Ladoucette, ne faisant autre mention de l'auteur et de l'œuvre (1). »

« C'est, suivant Faujas de Saint-Fonds, l'ouvrage d'une vite exaltée, sans méthode et sans savoir (2). »

« Sa rareté constitue son seul mérite. » Telle est l'opinion émise par M. Adolphe Rochas (3).

« Nous avons parcouru ce livre avec M. Faure (Étienne), sans y avoir trouvé une note, un fait quelconque dont je puisse faire usage (4). » En ces termes s'exprime, sur les Essais de Froment, Barthélemy Chaix, son compatriote.

Ces critiques, acerbes en la forme, sont injustifiables au fond. Je

(1) Histoire des Hautes-Alpes, édition 1848, p. 138.

(2) Histoire naturelle du Dauphiné, p. 406.

(3) Biographie du Dauphiné, p. 406.

(4) Topographie, histoire de Briançon, p. 23.

ne méconnais point l'autorité des hommes instruits dont elles émanent. Je ne mets pas plus en suspicion leur impartialité que leurs lumières; mais ce qui est pour moi hors de doute, ce qu'expliquent, d'ailleurs, l'extrême rareté des Essais de Froment et, par suite, la difficulté d'une lecture suivie de ce livre, c'est que ces sentences sévères n'ont point été rendues en connaissance de cause; c'est qu'elles ont été formulées à la suite d'une étude trop rapide pour être complète, ou comme opinion de seconde main.

Le curé Albert en use avec plus d'équité envers le vieux chroniqueur. Il nomme Froment parmi les Briançonnais qui, par leurs talents, ont honoré leur ville natale. « Je ne dois pas omettre, dit-il, le sieur Froment, qui fit imprimer les Essais sur cette ville (Briançon), ouvrage où il paraît beaucoup d'érudition, mais qui manque d'ordre et de critique (1). »

Brunet, seigneur de l'Argentière, autre historien briançonnais, sans décerner l'éloge, sans exprimer le blâme, fait au livre de Froment, dans ses ouvrages, l'emprunt de citations pleines d'intérêt.

M. Fauché-Prunelle, dans sa très remarquable Étude sur les institutions municipales du Briançonnais, invoque fréquemment à l'appui des conjectures qu'il forme, des opinions qu'il émet sur les objets de ses recherches, le témoignage de Froment, manifestant ainsi clairement l'estime en laquelle il tenait l'auteur des Essais sur le Briançonnais.

Et pour mener à fin, si toutefois cela est nécessaire, cette tentative de réhabilitation du livre de Froment, faisons connaitre que M. Hiacynthe Gariel, le bibliothécaire de Grenoble, dont l'immense savoir imprime à ses appréciations une irrécusable autorité, a consi

(1) Histoire du diocèse d'Embrun, t. 1, p. 249.

déré cette chronique comme étant digne de fixer l'attention et d'être mise, par une réimpression, à la portée de tous ceux qu'intéresse l'histoire des Alpes dauphinoises. Disons encore qu'à cette décisive influence est venu s'ajouter, pour arrêter dans l'esprit de l'intelligent éditeur de beaux livres dauphinois, M. Édouard Allier, la détermination de publier une seconde édition de cet ouvrage, l'encouragement de la compétente approbation de savants bibliophiles dauphinois, te's que M. Eugène Chaper et M. le marquis de Bérenger.

Les Essais de Froment constituent, à mon sens, un document historique précieux et sans équivalent dans l'histoire du Briançonnais. C'est une chronique toute briançonnaise, pleine de révélations curieuses sur les anciennes mœurs du pays, sur l'état matériel et moral, sur les pratiques religieuses de ses habitants au commencement du XVIIe siècle; l'auteur sait rendre, d'un sentiment sincère, les tendances de l'esprit, les idées reçues, les préjugés, les terreurs nées de la superstition, tout un monde de croyances dont un abime nous sépare quoiqu'en remontant à moins de deux siècles, on constate encore leur influence dans les faits historiques; il raconte dans un style un peu fruste, mais non dépourvu de charme, les traditions, la légende, les affections du cœur, la vie du foyer. Metteur en scène naïf et d'habileté inconsciente, il dépeint d'un trait, parfois saisissant, ce qui est l'attrait sérieux du livre de M. Fauché-Prunelle, les agitations, les luttes, les énergies de volonté de cette tribu de montagnards que des institutions libres et la mise en jeu de la souveraineté populaire avaient, dès le commencement même du moyenage, initiée à la vie communale et politique, à la gestion, en plein soleil, par le concours de tous, des intérêts communs.

Des défauts graves doivent être signalés dans l'œuvre de Froment. Le plus saillant est un étalage inopportun d'érudition, une profusion inouïe de citations d'auteurs sacrés et profanes. Cette immixtion de

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