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121: ans (a), n'usa de ce droit jusqu'à Carvilius Ruga, qui répudia la fienne pour caufe de ftérilité. Mais il fuffit de connoître la nature de l'efprit humain, pour fentir quel prodige ce feroit, que la loi dennant à tout un peuple un droit pareil, perfonne n'en ufât. Coriolan partant pour fon exil, confeilla (b)'à fa femme de fe marier à un homme plus heureux que lui. Nous venons de voir que la loi des douze tables, & les mœurs des Romains, étendirent beaucoup la loi de Romulus. Pourquoi ces extenfions, fi on n'avoit jamais fait usage de la faculté de répudier? De plus, fi les citoyens eurent un tel refpect pour les aufpices, qu'ils ne répudierent jamais pourquoi les légiflateurs de Rome en eurent-ils moins? Comment la loi corrompit-elle fans ceffe les moeurs ?

En rapprochant deux paffages de Plu: tarque, on verra difparoître le merveil leux du fait en queftion. La loi royale (c) permettoit au mari de répudier dans les

(4) Selon Denys d'Halicarnaffe & Valere-Maxime; & 523, felon Aulugelle. Auffi ne mettent-ils pas les mêmes confuls.

(b) Voyez le difcours de Véturie, dans Denys d'Halicarnaffe, liv. VIII.

(f) Plutarque, vie de Romulus.

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trois cas dont nous avons parlé. « Et » elle vouloit, dit Plutarque (a), que » celui qui répudiroit dans d'autres cas, » fût obligé de donner la moitié de ses » biens à fa femme, & que l'autre moi» tié fût confacrée à Cérès ». On pou- . voit donc répudier dans tous les cas, en fe foumettant à la peine. Perfonne ne le fit avant Carvilius Ruga (b); « qui, » comme dit encore Plutarque (c), ré» pudia fa femme pour caufe de ftérilité, >> deux cents trente ans après Romulus »: c'est-à-dire, qu'il la répudia foixante & onze ans avant la loi des douze tables, qui étendit le pouvoir de répudier, & les caufes de répudiation.

Les auteurs que j'ai cités, difent que Carvilius Ruga aimoit fa femme; mais qu'à caufe de faftérilité, les cenfeurs lui firent faire ferment qu'il la répudieroit, afin qu'il pût donner des enfans à la république; & que cela le rendit odieux au peuple. Il faut connoître le génie du peuple Romain, pour découvrir la vraie

Plutarque, vie de Romulus.

Effectivement, la caufe de ftérilité n'eft point portée par la loi de Romulus. Il y a apparence qu'il ne fut point fujet à la confifcation, puifqu'il faivoit l'ordre

des cenfeurs.

(c) Dans la comparaifon de Thésée & de Romulus.

caufe de la haine qu'il conçut pour Car vilius. Ce n'est point parce que Carvilius répudia fa femme, qu'il tomba dans la difgrace du peuple: c'eft une chofe dont le peuple ne s'embarraffoit pas. Mais Carvilius avoit fait un ferment aux cenfeurs, qu'attendu la ftérilité de fa femme, il la répudieroit pour donner des enfans à la république. C'étoit un joug que le peuple voyoit que les cenfeurs alloient mettre fur lui. Je ferai voir dans la fuite (a) de cet ouvrage les répugnances qu'il eut toujours pour des ré glemens pareils. Mais d'où peut venir. une telle contradiction entre ces auteurs? Le voici : Plutarque a examiné un fait, & les autres ont raconté une merveille.

(a) Au liv. XXIII. chap. xxi.

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LIVRE XVII.

Comment les Lois de la fervitude politique ont du rapport avec la nature du climat,

CHAPITRE

PREMIER.

De la fervitude politique.

A fervitude politique ne dépend pas moins de la nature du climat . que la civile & la domeftique, comine on va le faire voir,

CHAPITRE II,

Différence des peuples, par rapport au

N

courage.

ous avons déjà dit que la grande chaleur énervoit la force & le courage des hommes; & qu'il y avoit dans les climats froids une certaine force de corps & d'efprit, qui rendoit les hommes capables des actions longues, pé

nibles, grandes & hardies. Cela fe remarque non-feulement de nation à nation, mais encore dans le même pays d'une partie à une autre. Les peuples du nord de la Chine (a) font plus courageux que ceux du midi; les peuples du midi de la Corée (b) ne le font pas tant que ceux du nord.

Il ne faut donc pas être étonné que la lâcheté des peuples des climats chauds les ait prefque toujours rendu efclaves, & que le courage des peuples des climats froids les ait maintenus libres. C'eft un effet qui dérive de fa cause naturelle.

Ceci s'eft encore trouvé vrai dans l'Amérique; les empires defpotiques du Me xique & du Pérou étoient vers la ligne, & prefque tous les petits peuples libres étoient & font encore vers les pôles.

(a) Le P. du Halde, tome I. page 112.

(b) Les livres Chinois le difent ainfi. Ibid, tome IV page 448.

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