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du roi de se faire clerc, pourvu qu'on soit ingénu', et qu'on ne soit point inscrit dans le registre du cens. Je le prouve encore par une commission que Charlemagne donna à un comte ' qu'il envoya dans les contrées de Saxe : elle contient l'affranchissement des Saxons, à cause qu'ils avoient embrassé le christianisme et c'est proprement une chartred'ingénuité. Ce prince les rétablit dans leur première liberté civile, et les exempte de payer le cens. C'étoit donc une même chose d'être serf et de payer le cens, d'être libre et de ne le payer pas.

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Par une espèce de lettres patentes du même prince en faveur des Espagnols qui avoient été reçus dans la monarchie, il est défendu aux comtes d'exiger d'eux aucun cens, et de leur ôter leurs terres. On sait que les étrangers qui arrivoient en France étoient traités comme des serfs; et Charlemagne, voulant qu'on les regardât comme des hommes libres, puisqu'il vouloit qu'ils eussent la propriété de leurs terres, défendoit d'exiger d'eux le cens.

↑ Si ille de capite suo bene ingenuus sit, et in puletico publico censitus non est. Liv. I, form. 19.

2 De l'an 789, édit. des capitulaires de Baluze, tome 1, p. 250. 3 Et ut ista ingenuitatis pagina firma stabilisque consistat, ibid. 4 Pristinæque libertati donatós, et omni nobis debito censu soluibid.

tos,

"Præceptum pro Hispanis, de l'an 812, édit. de Baluze, tome 1,

p. 500.

Un capitulaire de Charles-le-Chauve, donné en faveur des mêmes Espagnols, veut qu'on les traite comme on traitoit les autres Francs, et défend d'exiger d'eux le cens : les hommes libres ne le payoient donc pas.

L'article 30 de l'édit de Pistes réforme l'abus par lequel plusieurs colons du roi ou de l'église vendoient les terres dépendantes de leurs manoirs à des ecclésiastiques ou à des gens de leur condition, et ne se réservoient qu'une petite case; de sorte qu'on ne pouvoit plus être payé du cens ; et il y est ordonné de rétablir les choses dans leur premier état le cens étoit donc un tribut d'esclaves.

Il résulte encore de là qu'il n'y avoit point de cens général dans la monarchie; et cela est clair par un grand nombre de textes. Car que signifieroit ce capitulaire', « Nous voulons qu'on exige le cens royal dans tous les lieux où autrefois on l'exigeoit « légitimement '? » Que voudroit dire celui où Charlemagne ordonne à ses envoyés dans les provinces de faire une recherche exacte de tous les cens qui avoient anciennement été du domaine

«

1 De l'an 844, édit. de Baluze, t. 11, art. 1 et 2, p. 27.

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2 Capitul. III, de l'an 805, art. 20 et 22, inséré dans le recueil d'Anzegise, liv. III, art. 15. Cela est conforme à celui de Charles-leChauve de l'an 854, apud Attiniacum, art. 6.

3 Undecumque legitime exigebatur, ibid.

↳ De l'an 812, art. 10 et 11, édit. de Baluze, tome 1, p. 498.

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du roi'? et celui où il dispose des cens payés par ceux dont on les exige ? Quelle signification donner à cet autre ', où on lit : « Si quelqu'un a acquis une terre tributaire sur laquelle nous << avions accoutumé de lever le cens...? » à cet autre enfin où Charles-le-Chauve parle des terres censuelles dont le cens avoit de toute antiquité appartenu au roi?

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Remarquez qu'il y a quelques textes qui paroissent d'abord contraires à ce que j'ai dit, et qui cependant le confirment. On a vu ci-dessus que les hommes libres, dans la monarchie, n'étoient obligés qu'à fournir de certaines voitures. Le capitulaire que je viens de citer appelle cela census, et il l'oppose au cens qui étoit payé par les serfs.

De plus, l'édit de Pistes' parle de ces hommes francs qui devoient payer le cens royal pour leur tête et pour leurs cases, et qui s'étoient vendus ▲ Undecumque antiquitus ad partem regis venire solebant. Capitulaire de l'an 812, art. 10 et II.

↑ De l'an 813, art. 6, édit. de Baluze, tome 1, p. 508.

1 De illis unde censa exigunt. Capitulaire de l'an 813, art. 6

▲ Liv. Iv des capitulaires, art. 37, et inséré dans la loi des Lombards.

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Si quis terram tributariam, unde census ad partem nostram exire solebat, susceperit. Liv. Iv des capitulaires, art. 37.

• De l'an 805, art. 8.

'Unde census ad partem regis exivit antiquitus. Capitulaire de l'an 805, art. 8.

• Censibus vel paraveredis quos franci homines ad regiam potestatem exsolvere debent.

• De l'an 864, art. 34, édit. de Baluze, p. 192.

pendant la famine'. Le roi veut qu'ils soient rachetés. C'est que ceux qui étoient affranchis par lettres du roi n'acquéroient point ordinairement une pleine et entière liberté '; mais ils payoient censum in capite; et c'est de cette sorte de gens qu'il est ici parlé.

Il faut donc se défaire de l'idée d'un cens général et universel, dérivé de la police des Romains; duquel on suppose que les droits des seigneurs ont dérivé de même par des usurpations. Ce qu'on appeloit cens dans la monarchie françoise, indépendamment de l'abus qu'on a fait de ce mot, étoit un droit particulier levé sur les serfs par les maîtres.

Je supplie le lecteur de me pardonner l'ennui mortel que tant de citations doivent lui donner: je serois plus court si je ne trouvois toujours devant moi le livre de l'Établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, de M. l'abbé Dubos. Rien ne recule plus le progrès des connoissances qu'un mauvais ouvrage d'un auteur célèbre, parce que, avant d'instruire, il faut commencer par détromper.

De illis francis hominibus qui censum regium de suo capite et de suis recellis debeant, ibid.

2 L'article 28 du même édit explique bien tout cela. Il met même une distinction entre l'affranchi romain et l'affranchi franc; et on y voit que le cens n'étoit pas général. Il faut le lire.

' Comme il paroît par un capitulaire de Charlemagne, de l'an 813, déjà cité.

CHAPITRE XVI.

Des leudes ou vassaux.

J'ai parlé de ces volontaires qui, chez les Germains, suivoient les princes dans leurs entreprises. Le même usage se conserva après la conquête. Tacite les désigne par le nom de compagnons 1; la loi salique, par celui d'hommes qui sont sous la foi du roi'; les formules de Marculfe, par celui d'antrustions du roi'; nos premiers historiens, par celui de leudes, de fidèles '; et les suivants, par celui de vassaux et seigneurs'.

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On trouve dans les lois saliques et ripuaires un nombre infini de dispositions pour les Francs, et quelques-unes seulement pour les antrustions. Les dispositions sur ces antrustions sont différentes de celles faites pour les autres Francs; on y règle partout les biens des Francs, et on ne dit rien de ceux des antrustions; ce qui vient de ce que les biens de ceux-ci se régloient plutôt par la loi

1 Comites.

2 Qui sunt in truste regis, tit. XLIV, art. 4.

3 Liv. 1, form. 18.

• Du mot trew, qui signifie fidèle, chez les Allemands, et chez les vrai.

Anglais, true,

5 Leudes, fideles.

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