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cent par an, et non d'un pour cent par

mois, Vou-,

loit-il consulter les savants? il auroit trouvé la

même chose dans Saumaise':

Testis mearum centimanus Gyas

Sententiarum. Hoa. liv. III, od. iv, v. 69.

Remontoit-il aux sources? il auroit trouvé làdessus des textes clairs dans les livres de droit'; il n'auroit point brouillé toutes les idées; if eût distingué les temps et les occasions où l'usure onciaire signifioit un pour cent par mois d'avec les temps et les occasions où elle signifioit un pour cent par an; et il n'auroit pas pris le douzième de la centésime pour la centésime.

Lorsqu'il n'y avoit point de lois sur le taux de l'usure chez les Romains, l'usage le plus ordinaire étoit que les usuriers prenoient douze onces de cuivre sur cent onces qu'ils prêtoient, c'est-à-dire douze pour cent par an: et, comme un as valoit douze onces de cuivre, les usuriers retiroient chaque année un as sur cent onces; et, comme il falloit souvent compter l'usure par mois, l'usure de six mois fut appelée semis, ou la moitié de l'as;

1 De modo usurarum, Lugduni Batavorum, ex officina Elzeviriorum, anno 1639, p. 269, 270 et 271; et surtout ces mots : Unde verius sit unciarum fœnus eorum, vel uncias usuras, ut eas quoque appellatas infra ostendam, non unciam dare menstruam in centum, sed annuam.

2 Argumentum legis XLVII, § Præfectus legionis, ff. de administ. et periculo tutoris.

L

l'usure de quatre mois fut appelée triens, ou le tiers de l'as; l'usure pour trois mois fut appelée quadrans, ou le quart de l'as; et enfin, l'usure pour un mois fut appelée unciaria, ou le douzième de l'as de sorte que, comme on levoit une once chaque mois sur cent onces qu'on avoit prêtées, cette usure onciaire, ou, d'un pour cent par mois, ou de douze pour cent par an, fut appelée usure centésime. Le critique a eu connoissance de cette signification de l'usure centésime, et il l'a appliquée très-mal.

On voit que tout ceci n'étoit qu'une espèce de méthode, de formule ou de règle, entre le débiteur et le créancier, pour compter leurs usures, dans la supposition que l'usure fût à douze pour cent par an, ce qui étoit l'usage le plus ordinaire: et, si quelqu'un avoit prêté à dix-huit pour cent par an, on se seroit servi de la même méthode, en augmentant d'un tiers l'usure de chaque mois; de sorte que l'usure onciaire auroit été d'une once et demie par mois.

Quand les Romains firent des lois sur l'usure, il ne fut point question de cette méthode, qui avoit servi, et qui servoit encore aux débiteurs et aux créanciers pour la division du temps et la commodité du paiement de leurs usures. Le législateur avoit un règlement public à faire; il ne s'agissoit point de partager l'usure par mois, il avoit

à fixer, et il fixa l'usure par an. On continua à se servir des termes tirés de la division de l'as, sans y appliquer les mêmes idées: ainsi l'usure onciaire signifia un pour cent par an; l'usure ex quadrante signifia trois pour cent par an; l'usure ex triente, quatre pour cent par an; l'usure semis, six pour cent par an. Et, si l'usure onciaire avoit signifié un pour cent par mois, les lois qui les fixèrent ex quadrante, ex triente, ex semise, auroient fixé l'usure à trois pour cent, à quatre pour cent, à six pour cent par mois : ce qui auroit été absurde, parce que les lois faites pour réprimer l'usure auroient été plus cruelles que les usuriers.

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Le critique a donc confondu les espèces des choses. Mais j'ai intérêt de rapporter ici ses propres paroles, afin qu'on soit bien convaincu que l'intrépidité avec laquelle il parle ne doit imposer à personne; les voici : « Tacite ne s'est point trompé: il parle de l'intérêt à un pour cent par << mois, et l'auteur s'est imaginé qu'il parle d'un « pour cent par an. Rien n'est si connu que le «< centésime qui se payoit à l'usurier tous les mois. << Un homme qui écrit deux volumes in-4° sur « les lois devroit-il l'ignorer? »

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Que cet homme ait ignoré ou n'ait pas ignoré ce centésime, c'est une chose très-indifférente:

1 Feuille du 9 octobre 1749, p. 164.

mais il ne l'a pas ignoré puisqu'il en a parlé en trois endroits. Mais comment en a-t-il parlé, et où en a-t-il parlé1? Je pourrois bien défier le critique de le deviner, parce qu'il n'y trouveroit point les mêmes termes et les mêmes expressions qu'il sait.

Il n'est pas question ici de savoir si l'auteur de l'Esprit des lois a manqué d'érudition ou non, mais de défendre ses autels. Cependant il a fallu faire voir au public que le critique, prenant un ton si décisif sur des choses qu'il ne sait pas, et dont il doute si peu qu'il n'ouvre pas même un dictionnaire pour se rassurer, ignorant les choses, et accusant les autres d'ignorer ses propres erreurs, il ne mérite pas plus de confiance dans les autres accusations. Ne peut-on pas croire que la hauteur et la fierté du ton qu'il prend partout n'empêchent en aucune manière qu'il n'ait tort? que, quand il s'échauffe, cela ne veut pas dire qu'il n'ait pas tort? que, quand il anathématise avec ses mots d'impie et de sectateur de la religion naturelle, on peut encore croire qu'il a tort? qu'il faut bien se garder de recevoir les impressions que pourroient donner l'activité de son esprit et l'impétuosité de son style? que, dans ses deux écrits, il est bon de séparer les injures de

1 La troisième et la dernière note, ch. xxII, liv. xx11, et le texte de la troisième note.

2 Pro aris.

ses raisons, mettre ensuite à part les raisons qui sont mauvaises, après quoi il ne restera plus rien?

L'auteur, aux chapitres du prêt à intérêt, et de l'usure chez les Romains, traitant ce sujet sans doute le plus important de leur histoire, ce sujet qui tenoit tellement à la constitution, qu'elle pensa mille fois en être renversée; parlant des lois qu'ils firent par désespoir, de celles où ils suivirent leur prudence, des règlements qui n'étoient que pour

un temps, de ceux qu'ils frrent pour toujours, dit, vers la fin du chapitre XXII: « L'an 398 de Rome, « les tribuns Duellius et Menenius firent passer «< une loi qui réduisoit les intérêts à un pour cent « par an... Dix ans après, cette usure fut réduite à <«< la moitié; dans la suite, on l'ôta tout-à-fait.

« Il en fut de cette loi comme de toutes celles ou « le législateur a porté les choses à l'excès: on « trouva une infinité de moyens de l'éluder; il « en fallut faire beaucoup d'autres pour la confir<< mer, corriger, tempérer: tantôt on quitta les <«<lois pour suivre les usages, tantôt on quitta les « usages pour suivre les lois. Mais, dans ce cas, « l'usage devoit aisément prévaloir. Quand un « homme emprunte, il trouve un obstacle dans la «< loi même qui est faite en sa faveur : cette loi a <<< contre elle, et celui qu'elle secourt, et celui qu'elle «< condamne. Le préteur Sempronius Asellus, ayant

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