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SIXIÈME OBJECTION.

L'auteur dit que la loi qui prescrit à l'homme ses devoirs envers Dieu est la plus importante; mais il nie qu'elle soit la première: il prétend que la première loi de la nature est la paix; que les hommes ont commencé par avoir peur les uns des autres, etc.; que les enfants savent que la première loi c'est d'aimer Dieu, et la seconde c'est d'aimer son prochain.

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RÉPONSE.

Voici les paroles de l'auteur : « Cette loi qui, en imprimant dans nous-mêmes l'idée d'un créa<< teur, nous porte vers lui, est la première des « lois naturelles par son importance, et non pas « dans l'ordre de ces lois. L'homme, dans l'état de «< nature, auroit plutôt la faculté de connoître, qu'il n'auroit des connoissances. Il est clair que ces premières idées ne seroient point des idées spé<< culatives; il songeroit à la conservation de son << être avant de chercher l'origine de son être. Un << homme pareil ne sentiroit d'abord que sa foi« blesse; sa timidité seroit extrême; et si l'on avoit << là-dessus besoin de l'expérience, l'on a trouvé <<< dans les forêts des hommes sauvages; tout les « fait trembler, tout les fait fuir '. » L'auteur a

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donc dit que la loi qui, en imprimant en nousmêmes l'idée du créateur, nous porte vers lui, étoit la première des lois naturelles. Il ne lui a pas été défendu plus qu'aux philosophes et aux écrivains du droit naturel de considérer l'homme sous divers égards: il lui a été permis de supposer un homme comme tombé des nues, laissé à lui-même et sans éducation, avant l'établissement des sociétés. Eh bien! l'auteur a dit que la première loi naturelle, la plus importante, et par conséquent la capitale, seroit pour lui, comme pour tous les hommes, de se porter vers son créateur. Il a aussi été permis à l'auteur d'examiner quelle seroit la première impression qui se feroit sur cet homme, et de voir l'ordre dans lequel ces impressions seroient reçues dans son cerveau; et il a cru qu'il auroit des sentiments avant de faire des réflexions; que le premier, dans l'ordre du temps, seroit la peur, ensuite le besoin de se nourrir, etc. L'auteur a dit que la loi qui, en imprimant en nous l'idée du créateur, nous porte vers lui, est la première des lois naturelles : le critique dit que la première loi naturelle est d'aimer Dieu. Ils ne sont divisés que par les injures.

SEPTIEME OBJECTION.

Elle est tirée du chapitre premier du premier livre, où l'auteur, après avoir dit que l'homme

étoit un être borné, a ajouté : « Un tel être pou>> voit à tous les instants oublier son créateur: Dieu » l'a rappelé à lui par les lois de la religion. » Or, dit-on, quelle est cette religion dont parle l'auteur? il parle sans doute de la religion naturelle; et il ne croit donc que la religion naturelle.

Je

RÉPONSE.

suppose encore un moment que cette manière de raisonner soit bonne, et que, de ce que l'auteur n'auroit parlé que de la religion naturelle, on en pût conclure qu'il ne croit que la religion naturelle, et qu'il exclut la religion révélée. Je dis que, dans cet endroit, il a parlé de la religion révélée, et non pas de la religion naturelle; car, s'il avoit parlé de la religion naturelle, il seroit un idiot. Ce seroit comme s'il disoit : Un tel être pouvoit aisément oublier son créateur, c'est-à-dire la religion naturelle : Dieu l'a rappelé à lui par les lois de la religion naturelle; de sorte que Dieu lui auroit donné la religion naturelle pour perfectionner en lui la religion naturelle. Ainsi pour se préparer à dire des invectives à l'auteur, on commence par ôter à ses paroles le sens du monde le plus clair pour leur donner le sens du monde le plus absurde; et, pour avoir meilleur marché de lui, on le prive du sens commun.

«

HUITIÈME OBJECTION,

L'auteur a dit ', en parlant de l'homme : « Un << tel être pouvoit à tous les instants oublier son créateur; Dieu l'a rappelé à lui par les lois de la « religion : un tel être pouvoit à tous les instants << s'oublier lui-même; les philosophes l'ont averţi <«< par les lois de la morale : fait pour vivre dans la «< société, il y pouvoit oublier les autres; les légis<< lateurs l'ont rendu à ses devoirs par les lois politiques et civiles. Donc, dit le critique', selon << l'auteur, le gouvernement du monde est partagé <<< entre Dieu, les philosophes et les législateurs,etc. << Où les philosophes ont-ils appris les lois de la << morale? Où les législateurs ont-ils vu ce qu'il «< faut prescrire pour gouverner les sociétés avec équité? »

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RÉPONSE.

Et cette réponse est très-aisée. Ils l'ont appris dans la révélation, s'ils ont été assez heureux pour cela, ou bien dans cette loi qui, en imprimant en nous l'idée du créateur, nous porte vers lui. L'auteur de l'Esprit des lois a-t-il dit comme Virgile, << César partage l'empire avec Jupiter? » Dieu, qui

↑ Liv. 1, ch. 1.

2 Page 162 de la feuille du 9 octobre 1749.

gouverne l'univers, n'a-t-il pas donné à de certains hommes plus de lumières, à d'autres plus de puissance? Vous diriez que l'auteur a dit que, parce

que Dieu a voulu que les hommes gouvernassent

des hommes, il n'a pas voulu qu'ils lui obéissent, et qu'il s'est démis de l'empire qu'il avoit sur eux, etc. Voilà où sont réduits ceux qui, ayant beaucoup de foiblesse pour raisonner, ont beaupour coup de force déclamer.

NEUVIÈME OBJECTION.

Le critique continue. «< Remarquons encore que << l'auteur, qui trouve que Dieu ne peut pas gou« verner les êtres libres aussi bien que les autres, << parce qu'étant libres il faut qu'ils agissent par <«< eux-mêmes ( je remarquerai en passant que <<< l'auteur ne se sert point de cette expression, « que Dieu ne peut pas), ne remédie à ce désordre << que par des lois qui peuvent bien montrer à « l'homme ce qu'il doit faire, mais qui ne lui << donnent pas de le faire : ainsi, dans le système « de l'auteur, Dieu crée des êtres dont il ne peut «< empêcher le désordre, ni le réparer... Aveugle, qui ne voit pas que Dieu fait ce qu'il veut de « ceux mêmes qui ne font pas ce qu'il veut! »

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RÉPONSE.

Le critique a déjà reproché à l'auteur de n'avoir

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