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la création fût un acte nécessaire comme la fatalité des athées, puisqu'il a déjà combattu cette fatalité. De plus les deux membres d'une comparaison doivent se rapporter; ainsi il faut absolument que la phrase veuille dire : la création, qui paroît d'abord devoir produire des règles de mouvement variables, en a d'aussi invariables que la fatalité des athées. Le critique, encore une fois, n'a vu et ne voit que les mots.

II.

Il n'y a donc point de spinosisme dans l'Esprit des lois. Passons à une autre accusation, et voyons s'il est vrai que l'auteur ne reconnoisse pas la religion révélée. L'auteur, à la fin du chapitre premier, parlant de l'homme, qui est une intelligence finie, sujette à l'ignorance et à l'erreur, a dit : « Un tel être pouvoit à tous les instants oublier « son créateur; Dieu l'a rappelé à lui par les lois de la religion.

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Il a dit au chapitre premier du livre XXIV: << Je n'examinerai les diverses religions du monde « que par rapport au bien que l'on en tire dans « l'état civil, soit que je parle de celle qui a sa << racine dans le ciel, ou bien de celles qui ont «<< la leur sur la terre.

<< Il ne faudra que très-peu d'équité pour voir

« que je n'ai jamais prétendu faire céder les intérêts de la religion aux intérêts politiques, mais a les unir; or pour les unir il faut les connoître. « La religion chrétienne, qui ordonne aux hom<«< mes de s'aimer, veut sans doute que chaque peuple ait les meilleures lois politiques et les meilleures lois civiles; parce qu'elles sont, après « elle, le plus grand bien que les hommes puis<< sent donner et recevoir. >>

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Et au chapitre second du même livre : « Un prince qui aime la religion et qui la craint est << un lion qui cède à la main qui le flatte ou à la <«< voix qui l'apaise. Celui qui craint la religion <«< et qui la hait, est comme les bêtes sauvages qui << mordent la chaîne qui les empêche de se jeter << sur ceux qui passent. Celui qui n'a point du « tout de religion est cet animal terrible qui ne << sent sa liberté que lorsqu'il déchire et qu'il dé

<< vore. »

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Au chapitre troisième du même livre : « Pen<< dant que les princes mahométans donnent sans <«< cesse la mort ou la reçoivent, la religion chez « les chrétiens rend les princes moins timides, et << par conséquent moins cruels. Le prince compte << sur ses sujets, et les sujets sur le prince. Chose « admirable! la religion chrétienne, qui ne semble << avoir d'objet que la félicité de l'autre vie, fait << encore notre bonheur dans celle-ci. >>

Au chapitre quatrième du même livre : « Sur a le caractère de la religion chrétienne et celui < de la mahométane, l'on doit, sans autre examen, « embrasser l'une et rejeter l'autre. » On prie de continuer.

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Dans le chapitre sixième : « M. Bayle, après << avoir insulté toutes les religions, flétrit la religion chrétienne : il ose avancer que de véritables « chrétiens ne formeroient pas un état qui pût a subsister. Pourquoi non? Ce seroient des ci<toyens infiniment éclairés sur leurs devoirs et qui auroient un très-grand zèle pour les remplir; << ils sentiroient très-bien les droits de la défense naturelle; plus ils croiroient devoir à la reli< gion, plus ils penseroient devoir à la patrie. Les principes du christianisme, bien gravés dans le << cœur, seroient infiniment plus forts que ce faux << honneur des monarchies, ces vertus humaines « des républiques, et cette crainte servile des états < despotiques.

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<< Il est étonnant que ce grand homme n'ait « pas su distinguer les ordres pour l'établissement << du christianisme d'avec le christianisme même, << et qu'on puisse lui imputer d'avoir méconnu l'esprit de sa propre religion. Lorsque le légis<< lateur, au lieu de donner des lois, a donné des « conseils, c'est qu'il a vu que ses conseils, s'ils « étoient ordonnés comme des lois, seroient con<< traires à l'esprit de ses lois. »

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Au chapitre dixième : « Si je pouvois un mo<< ment cesser de penser que je suis chrétien, je ⚫ ne pourrois m'empêcher de mettre la destruca tion de la secte de Zénon au nombre des mala heurs du genre humain, etc. Faites abstraction a des vérités révélées; cherchez dans toute la naa ture, vous n'y trouverez pas de plus grand objet que les Antonins, etc. »

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Etau chapitre treizième : « La religion païenne, qui ne défendoit que quelques crimes grossiers, qui arrêtoit la main et abandonnoit le cœur, pouvoit avoir des crimes inexpiables. Mais une religion qui enveloppe toutes les passions; qui a n'est pas plus jalouse des actions que des désirs << et des pensées; qui ne nous tient point attachés par quelques chaînes, mais par un nombre innombrable de fils; qui laisse derrière elle la « justice humaine, et commence une autre jus« tice; qui est faite pour mener sans cesse du << repentir à l'amour et de l'amour au repentir; qui met entre le juge et le criminel un grand « médiateur, entre le juste et le médiateur un grand juge; une telle religion ne doit point « avoir de crimes inexpiables. Mais, quoiqu'elle « donne des craintes et des espérances à tous, elle a fait assez sentir que, s'il n'y a point de crime qui par sa nature soit inexpiable, toute une vie peut l'être; qu'il seroit très-dangereux de tour

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«< menter sans cesse la miséricorde par de nouveaux «< crimes et de nouvelles expiations; qu'inquiets << sur les anciennes dettes, jamais quittes envers

le Seigneur, nous devons craindre d'en contrac<< ter de nouvelles, de combler la mesure, et << d'aller jusqu'au terme où la bonté paternelle « finit. »

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Dans le chapitre dix-neuvième, à la fin, l'auteur, après avoir fait sentir les abus de diverses religions païennes sur l'état des âmes dans l'autre vie, dit : « Ce n'est pas assez pour une religion << d'établir un dogme, il faut encore qu'elle le dirige: c'est ce qu'a fait admirablement bien la religion chrétienne à l'égard des dogmes dont « nous parlons. Elle nous fait espérer un état que << nous croyions, non pas un état que nous sen<< tions ou que nous connoissions : tout, jusqu'à la << résurrection des corps, nous mène à des idées spirituelles.

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Et au chapitre vingt-sixième, à la fin : « Il suit << de là qu'il est presque toujours convenable qu'une religion ait des dogmes particuliers et << un culte général. Dans les lois qui concernent << les pratiques de culte il faut peu de détails; par exemple, des mortifications, et non pas une << certaine mortification. Le christianisme est plein << de bon sens : l'abstinence est de droit divin; << mais une abstinence particulière est de droit de police, et on peut la changer.

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