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autre partage du même empereur', fait vingt ans auparavant, entre Lothaire, Pepin et Louis. On peut voir encore le serment que Louis-le-Bègue fit à Compiègne lorsqu'il y fut couronné. « Moi-, <«< Louis', constitué roi par la miséricorde de « Dieu et l'élection du peuple, je promets... » Ce que je dis est confirmé par les actes du concile de Valence', tenu l'an 890, pour l'élection de Louis, fils de Boson, au royaume d'Arles. On y élit Louis, et on donne pour principales raisons de son élection, qu'il étoit de la famille impériale, que Charles-le-Gros lui avoit donné la dignité de roi, et que l'empereur Arnoul l'avoit investi par le sceptre et par le ministère de ses ambassadeurs. Le royaume d'Arles, comme les autres, démembrés ou dépendants de l'empire de Charlemagne, étoit électif et héréditaire.

1 Édit. de Baluze, p. 574, art. 14. Si vero aliquis illorum decedens legitimos filios reliquerit, non inter eos potestas ipsa dividatur; sed potius populus, pariter conveniens, unum ex iis, quem Dominus voluerit, eligat; et hunc senior frater in loco fratris et filii suscipiat.

2 Capit. de l'an 877, édit. de Baluze, p. 272.

3 Dans Dumont, Corps diplomatique, t. 1, art. 36.

Par femmes.

CHAPITRE XVIII.

Charlemagne.

Charlemagne songea à tenir le pouvoir de la noblesse dans ses limites, et à empêcher l'oppression du clergé et des hommes libres. Il mit un tel tempérament dans les ordres de l'état, qu'ils furent contrebalancés et qu'il resta le maître. Tout fut uni par la force de son génie. Il mena continuellement la noblesse d'expédition en expédition; il ne lui laissa pas le temps de former des desseins, et l'occupa tout entière à suivre les siens. L'empire se maintint par la grandeur du chef: le prince étoit grand, l'homme l'étoit davantage. Les rois ses enfants furent ses premiers sujets, les instruments de son pouvoir, et les modèles de l'obéissance. Il fit d'admirables règlements; il fit plus, il les fit exécuter. Son génie se ‚ répandit sur toutes les parties de l'empire. On voit dans les lois de ce prince un esprit de prévoyance qui comprend tout, et une certaine force qui entraîne tout. Les prétextes' pour éluder les

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1 Voyez son capitulaire 111, de l'an 811, p. 486, art. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, et 8; et le capit. 1, de l'an 812, p. 490, art. 1; et le capit. de la même année, p. 494, art. 9 et II, et autres.

devoirs sont ôtés, les négligences corrigées, les abus réformés ou prévenus. Il savoit punir; il savoit encore mieux pardonner. Vaste dans ses desseins, simple dans l'exécution, personne n'eut à un plus haut degré l'art de faire les plus grandes choses avec facilité, et les difficiles avec promptitude. Il parcouroit sans cesse son vaste empire, portant la main partout où il alloit tomber. Les affaires renaissoient de toutes parts; il les finissoit de toutes parts. Jamais prince ne sut mieux braver les dangers; jamais prince ne sut mieux les éviter. Il se joua de tous les périls et particulièrement de ceux qu'éprouvent presque toujours les grands conquérants; je veux dire les conspirations. Ce prince prodigieux étoit extrêmement modéré; son caractère étoit doux, ses manières simples; il aimoit à vivre avec les gens de sa cour. Il fut peut-être trop sensible au plaisir des femmes : mais un prince qui gouverna toujours par lui-même, et qui passa sa vie dans les travaux, peut mériter plus d'excuses. Il mit une règle admirable dans sa dépense; il fit valoir ses domaines avec sagesse, avec attention, avec économie: un père de famille pourroit apprendre' dans ses lois à gouverner sa maison. On voit dans ses capitulaires la source pure et sacrée d'où il

Voyez le capitulaire de villis, de l'an 800; son capitul. 11, de l'an 813, art. 6 et 19; et le liv. v des capit., art 3o3.

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tira ses richesses. Je ne dirai plus qu'un mot:il ordonnoit qu'on vendît les oeufs des bassescours de ses domaines et les herbes inutiles de ses jardins; et il avoit distribué à ses peuples toutes les richesses des Lombards et les immenses trésors de ces Huns qui avoient dépouillé l'univers.

CHAPITRE XIX.

Continuation du même sujet.

Charlemagne et ses premiers successeurs craignirent que ceux qu'ils placeroient dans des lieux éloignés ne fussent portés à la révolte; ils crurent qu'ils trouveroient plus de docilité dans les ecclésiastiques ainsi ils érigèrent en Allemagne un grand nombre d'évêchés, et y joignirent de grands fiefs. Il paroît, par quelques chartres, que les clauses qui contenoient les prérogatives de ces fiefs n'étoient pas différentes de celles qu'on mettoit ordinairement dans ces concessions 3, quoi

1 Capitulaire de villis, art. 39. Voyez tout ce capitulaire qui est un chef-d'œuvre de prudence, de bonne administration, et d'économie.

2 Voyez entre autres la fondation de l'archevêché de Brême, dans le capit. de 789, édit. de Baluze, p. 245.

3 Par exemple, la défense aux juges royaux d'entrer dans le territoire pour exiger les freda et autres droits. J'en ai beaucoup parlé au livre précédent.

qu'on voie aujourd'hui les principaux ecclésiastiques d'Allemagne revêtus de la puissance souveraine. Quoi qu'il en soit, c'étoient des pièces qu'ils mettoient en avant contre les Saxons. Ce qu'ils ne pouvoient attendre de l'indolence ou des négligences d'un leude, ils crurent qu'ils devoient l'attendre du zèle et de l'attention agissante d'un évêque; outre qu'un tel vassal, bien loin de se servir contre eux des peuples assujettis, auroit au contraire besoin d'eux pour se soutenir contre ses peuples.

CHAPITRE XX.

Louis-le-Débonnaire.

Auguste étant en Égypte fit ouvrir le tombeau d'Alexandre. On lui demanda s'il vouloit qu'on ouvrît ceux des Ptolomées : il dit qu'il avoit voulu voir le roi, et non pas les morts. Ainsi, dans l'histoire de cette seconde race, on cherche Pepin et Charlemagne; on voudroit voir les rois, et non pas les morts.

Un prince jouet de ses passions, et dupe de ses vertus mêmes, un prince qui ne connut jamais ni sa force ni sa foiblesse, qui ne sut se concilier

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