Haud ignarus eram quantum nova gloria in armis Vota precesque meæ! Tuque, o sanctissima conjux, Quam pius Eneas, et quam magni Phryges, et quam (1) Var.: juvaret. vaillance, cruel apprentissage d'une guerre trop proche ! Tous les dieux sont restés sourds à mes vœux et à mes prières ! Et toi, chère et vénérable épouse, que tu es heureuse en ta mort d'avoir été soustraite à une telle douleur ! Pour moi, en prolongeant ma vie, je n'ai, malheureux père, forcé les lois du destin que pour survivre à mon fils. Ah! que n'ai-je suivi l'armée des Troyens; les Rutules m'auraient accablé sous leurs coups, j'aurais donné ma vie, et ce serait moi, non Pallas, que ce cortège funèbre ramènerait dans ma demeure. Mais ce n'est ni vous que j'accuse, Troyens, ni votre alliance, ni les noeuds de l'hospitalité qu'ont serrés nos mains; tel était le triste sort que ma vieillesse devait fatalement subir. Et puisqu'une mort prématurée attendait mon fils, il me sera doux du moins de penser qu'il avait déjà abattu des milliers de Volsques et qu'il ouvrait le Latium aux Troyens lorsqu'il est tombé. Je ne saurais même célébrer tes funérailles, ô Pallas, plus diguement que le pieux Énée et les illustres Phrygiens et les chefs Tyrrhéniens avec toute leur armée. Ils portent les magnifiques trophées de ceux que ton bras a livrés à la mort. Toi aussi, Turnus, tu y figurerais en un tronc immense couvert de son armure, si Pallas avait eu ton âge et cette force que tu dois aux années. Mais infortuné que je suis, pourquoi retenir les Troyens loin des combats? Allez et reportez fidèlement à votre roi ces paroles : « Si je conserve une vie qui m'est odieuse, après que j'ai perdu Pallas, c'est que je compte sur ton bras qui doit Turnus et au père et au fils; voilà la seule chose que la Fortune et toi vous puissiez désormais faire pour moi. Je ne demande plus de joies à la vie; elles, me sont interdites; mais je demande à porter chez les Månes cette consolation à mon fils. >> CCXXXVI Discours de Drancès. Rem nulli obscuram, nostræ nec vocis egentem, Cujus ob auspicium infaustum moresque sinistros Quin natam egregio genero dignisque hymenæis Aude, atque adversum fidens fer pectus in hostem. (1) Var.: firmes. (2) Les uns rapportent jus proprium à Turnus, les autres au roi et à la patric. Ce dernier sens, selon moi, est le meilleur; la phrase se lie mieux à ce qui précède et prend une véhémente ironie. CCXXXVI (Tom. 1, p. 511.) Il n'y a d'obscurité pour personne et pas n'est besoin de nos suffrages dans la question que vous nous présentez, ô le meilleur des rois. Tous avouent savoir ce que réclame le salut de ce peuple, mais nul n'ose le dire. Qu'il nous rende la liberté de parler et rabatte son orgueil, celui dont l'autorité néfaste et les funestes prétentions (je dirai tout, quelque menacé que je sois par son épée meurtrière) ont causé le trépas de tant de nos illustres chefs et plongé dans le deuil notre ville entière, alors qu'il attaque le camp troyen en se confiant à la fuite et semble vouloir porter jusqu'au ciel la terreur de ses armes. A ces dons si nombreux, à ces promesses que vous voulez adresser au descendant de Dardanus ajoutez encore une faveur, une seule, et ne souffrez pas que la violence de personne vous empêche d'user de vos droits de père pour donner votre fille à un gendre illustre par un digne hyménée dont le contrat ici scellera la paix à jamais. Si telle est toutefois la frayeur à laquelle sont livrés les esprits et les cœurs, supplions Turnus lui-même, et implorons de lui cette grâce: qu'il abandonne au roi et à la patrie un droit qui est le leur. Ne te lasseras-tu donc pas de jeter tes malheureux concitoyens au milieu de périls évidents, ô toi qui es pour les Latins la source et la cause de tous leurs maux? Point de salut pour nous dans la guerre; tous nous te demandons la paix, Turnus, et avec elle le seul gage qui puisse la rendre inviolable. Moi tout le premier, que tu regardes comme ton ennemi (et je ne me défends pas de l'être), je viens à toi en suppliant: Prends pitié des tiens! laisse ton orgueil, et vaincu retire-toi. Nous avons dans nos défaites assez compté de funérailles, assez désolé nos vastes campagnes. Ou si la gloire te touche, si tu as une grande confiance en ta force, et si la dot d'une couronne te tient à ce point an cœur, montre ton courage, et sans crainte des coups de ton ennemi affronte-le. Est-ce pour assurer à Turnus une Sternamur campis! Etiam tu, si qua tibi vis, Virg., En., XI, v. 343-375. CCXXXVII Fin du combat de Turnus et d'Énée. Cunctanti telum Eneas fatale coruscat, Mons circum, et vocem late nemora alta remittunt. |