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Haud ignarus eram quantum nova gloria in armis
Et prædulce decus primo certamine posset.
Primitiæ juvenis miseræ bellique propinqui
Dura rudimenta ! et nulli exaudita deorum

Vota precesque meæ! Tuque, o sanctissima conjux,
Felix morte tua, neque in hunc servata dolorem!
Contra ego vivendo vici mea fata, superstes
Restarem ut genitor. Troum socia arma secutum
Obruerent Rutuli telis! animam ipse dedissem,
Atque hæc pompa domum me, non Pallanta, referret!
Nec vos arguerim, Teucri, nec fœdera, nec quas
Junximus hospitio dextras; sors ista senectæ
Debita erat nostræ. Quod si immatura manebat
Mors natum, cæsis Volscorum millibus ante,
Ducentem in Latium Teucros, cecidisse juvabit1.
Quin ego non alio digner te funere, Palla,

Quam pius Eneas, et quam magni Phryges, et quam
Tyrrhenique duces, Tyrrhenum exercitus omnis.
Magna tropea ferunt, quos dat tua dextera Leto.
Tu quoque nunc stares immanis truncus in armis,
Esset par ætas et idem si robur ab annis,
'Turne. Sed infelix Teucros quid demoror armis?
Vadite et hæc memores regi mandata referte:
«Quod vitam moror invisam, Pallante perempto,
Dextera causa tua est, Turnum natoque patrique
Quam debere vides. Meritis vacat hic tibi solus
Fortunæque locus. Non vitæ gaudia quæro,
Nec fas; sed nato Manes perferre sub imos ».
Virg., Æn., XI, v. 152-181.

(1) Var.: juvaret.

vaillance, cruel apprentissage d'une guerre trop proche ! Tous les dieux sont restés sourds à mes vœux et à mes prières ! Et toi, chère et vénérable épouse, que tu es heureuse en ta mort d'avoir été soustraite à une telle douleur ! Pour moi, en prolongeant ma vie, je n'ai, malheureux père, forcé les lois du destin que pour survivre à mon fils. Ah! que n'ai-je suivi l'armée des Troyens; les Rutules m'auraient accablé sous leurs coups, j'aurais donné ma vie, et ce serait moi, non Pallas, que ce cortège funèbre ramènerait dans ma demeure. Mais ce n'est ni vous que j'accuse, Troyens, ni votre alliance, ni les noeuds de l'hospitalité qu'ont serrés nos mains; tel était le triste sort que ma vieillesse devait fatalement subir. Et puisqu'une mort prématurée attendait mon fils, il me sera doux du moins de penser qu'il avait déjà abattu des milliers de Volsques et qu'il ouvrait le Latium aux Troyens lorsqu'il est tombé. Je ne saurais même célébrer tes funérailles, ô Pallas, plus diguement que le pieux Énée et les illustres Phrygiens et les chefs Tyrrhéniens avec toute leur armée. Ils portent les magnifiques trophées de ceux que ton bras a livrés à la mort. Toi aussi, Turnus, tu y figurerais en un tronc immense couvert de son armure, si Pallas avait eu ton âge et cette force que tu dois aux années. Mais infortuné que je suis, pourquoi retenir les Troyens loin des combats? Allez et reportez fidèlement à votre roi ces paroles : « Si je conserve une vie qui m'est odieuse, après que j'ai perdu Pallas, c'est que je compte sur ton bras qui doit Turnus et au père et au fils; voilà la seule chose que la Fortune et toi vous puissiez désormais faire pour moi. Je ne demande plus de joies à la vie; elles, me sont interdites; mais je demande à porter chez les Månes cette consolation à mon fils. >>

CCXXXVI

Discours de Drancès.

Rem nulli obscuram, nostræ nec vocis egentem,
Consulis, o bone rex: cuncti se scire fatentur,
Quid fortuna ferat populi, sed dicere mussant.
Det libertatem fandi flatusque remittat,

Cujus ob auspicium infaustum moresque sinistros
(Dicam equidem, licet arma mihi mortemque minetur)
Lumina tot cecidisse ducum totamque videmus
Consedisse urbem luctu, dum Troia tentat
Castra fugæ fidens, et cælum territat armis.
Unum etiam donis istis, quæ plurima mitti
Dardanidis dicique jubes, unum, optime regum,
Adjicias; nec te ullius violentia vincat,

Quin natam egregio genero dignisque hymenæis
Des, pater, et pacem hanc æterno foedere jungas1.
Quod si tantus habet mentes et pectora terror,
Ipsum obtestemur, veniamque oremus ab ipso;
Cedat, jus proprium regi patriæque remittat.
Quid miseros toties in aperta pericula cives
Projicis, o Latio caput horum et causa malorum?
Nulla salus bello; pacem te poscimus omnes,
Turne, simul pacis solum inviolabile pignus.
Primus ego, invisum quem tu tibi fingis (et esse
Nil moror), en supplex venio Miserere tuorum!
Pone animos, et pulsus abi! sat funera fusi
Vidimus, ingentes et desolavimus agros.
Aut, si fama movet, si tantum pectore robur
Concipis, et si adeo dotalis regia cordi est,

Aude, atque adversum fidens fer pectus in hostem.
Scilicet, ut Turno contingat regia conjux,
Nos, animæ viles, inhumata infletaque turba,

(1) Var.: firmes.

(2) Les uns rapportent jus proprium à Turnus, les autres au roi et à la patric. Ce dernier sens, selon moi, est le meilleur; la phrase se lie mieux à ce qui précède et prend une véhémente ironie.

CCXXXVI

(Tom. 1, p. 511.)

Il n'y a d'obscurité pour personne et pas n'est besoin de nos suffrages dans la question que vous nous présentez, ô le meilleur des rois. Tous avouent savoir ce que réclame le salut de ce peuple, mais nul n'ose le dire. Qu'il nous rende la liberté de parler et rabatte son orgueil, celui dont l'autorité néfaste et les funestes prétentions (je dirai tout, quelque menacé que je sois par son épée meurtrière) ont causé le trépas de tant de nos illustres chefs et plongé dans le deuil notre ville entière, alors qu'il attaque le camp troyen en se confiant à la fuite et semble vouloir porter jusqu'au ciel la terreur de ses armes. A ces dons si nombreux, à ces promesses que vous voulez adresser au descendant de Dardanus ajoutez encore une faveur, une seule, et ne souffrez pas que la violence de personne vous empêche d'user de vos droits de père pour donner votre fille à un gendre illustre par un digne hyménée dont le contrat ici scellera la paix à jamais. Si telle est toutefois la frayeur à laquelle sont livrés les esprits et les cœurs, supplions Turnus lui-même, et implorons de lui cette grâce: qu'il abandonne au roi et à la patrie un droit qui est le leur. Ne te lasseras-tu donc pas de jeter tes malheureux concitoyens au milieu de périls évidents, ô toi qui es pour les Latins la source et la cause de tous leurs maux? Point de salut pour nous dans la guerre; tous nous te demandons la paix, Turnus, et avec elle le seul gage qui puisse la rendre inviolable. Moi tout le premier, que tu regardes comme ton ennemi (et je ne me défends pas de l'être), je viens à toi en suppliant: Prends pitié des tiens! laisse ton orgueil, et vaincu retire-toi. Nous avons dans nos défaites assez compté de funérailles, assez désolé nos vastes campagnes. Ou si la gloire te touche, si tu as une grande confiance en ta force, et si la dot d'une couronne te tient à ce point an cœur, montre ton courage, et sans crainte des coups de ton ennemi affronte-le. Est-ce pour assurer à Turnus une

Sternamur campis! Etiam tu, si qua tibi vis,
Si patrii quid Martis habes, illum aspice contra,
Qui vocat.

Virg., En., XI, v. 343-375.

CCXXXVII

Fin du combat de Turnus et d'Énée.

Cunctanti telum Eneas fatale coruscat,
Sortitus fortunam oculis, et corpore toto
Eminus intorquet. Murali concita nunquam
Tormento sic saxa fremunt. nec fulmine tanti
Dissultant crepitus. Volat atri turbinis instar
Exitium dirum hasta ferens, orasque recludit
Loricæ, et clipei extremos septemplicis orbes.
Per medium stridens transit femur. Incidit ictus
Ingens ad terram duplicato poplite Turnus.
Consurgunt gemitu Rutuli, totusque remugit

Mons circum, et vocem late nemora alta remittunt.
Ille humilis supplexque oculos dextramque precantem
Protendens: « Equidem merui, nec deprecor, inquit;
Utere sorte tua. Miseri te si qua parentis
Tangere cura potest, oro (fuit et tibi talis
Anchises genitor), Dauni miserere senecta!
Et me, seu corpus spoliatum lumine mavis,
Redde meis. Vicisti, et victum tendere palmas
Ausonii videre; tua est Lavinia conjux.
Ulterius ne tende odiis. » Stetit acer in armis
Eneas, volvens oculos, dextramque repressit.
Et jam jamque magis cunctantem flectere sermo
Cœperat, infelix humero cum apparuit alto
Balteus, et notis fulserunt cingula bullis
Pallantis pueri, victum quem vulnere Turnus
Straverat atque humeris inimicum insigne gerebat.
Ille, oculis postquam sævi monumenta doloris
Exuviasque hausit, furiis accensus et ira

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