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Integrat, et mæstis late loca questibus implet.
Nulla Venus, non ulli animum flexere hymenæi.
Solus Hyperboreas glacies Tanaimque' nivalem
Arvaque Rhipæis nunquam viduata pruinis
Lustrabat, raptam Eurydicen atque irrita Ditis
Dona querens; spretæ Ciconum quo munere matres
Inter sacra deum nocturnique orgia Bacchi
Discerptum latos juvenem sparsere per agros.
Tum quoque marmorea caput a cervice revulsum2
Gurgite cum medio portans Eagrius3 Hebrus
Volveret, Eurydicen vox ipsa et frigida lingua,
Ah! miseram Eurydicen! anima fugiente, vocabat;
Eurydicen toto referebant flumine ripæ.

Virg., Georg., IV, v. 485-527.

CCXIII

La tempête se déchaîne contre la flotte d'Énée,
à son départ de la Sicile.

Talia jactanti stridens Aquilone procella
Velum adversa ferit fluctusque ad sidera tollit.
Franguntur remi, tum prora' avertit, et undis
Dat latus, insequitur cumulo præruptus aquæ mons.
Hi summo in fluctu pendent; his unda dehiscens
Terram inter fluctus aperit; furit æstus arenis.
Tres Notus abreptas in saxa latentia torquet
(Saxa vocant Itali mediis quæ in fluctibus Aras,
Dorsum immane mari summo), tres Eurus ab alto
In brevia et syrtes urget, miserabile visu!
Illiditque vadis atque aggere cingit arena.

(1) Aujourd'hui le Don.

(2) Fin de vers empruntée à Ennius, Ann., 462, éd. Valhen. (3) Divinité des eaux du pays où l'Hèbre prend sa source.

la nuit entière et, restant sur sa branche, elle recommence sans fin son chant douloureux, remplit de ses tristes accents tous les lieux d'alentour. Pour lui, plus d'amour, plus d'hymen qui puisse séduire son cœur. Seul, à travers les glaces hyperboréennes, les neiges du Tanaïs et les frimas continus qui couvrent les plaines du Rhiphée, il errait, pleurant Eurydice et les vaines faveurs de Pluton. Tant de regrets irritèrent les femmes de la Thrace qui se voyaient méprisées par lui; au milieu de leur fête religieuse et des orgies nocturnes de Bacchus, elles le mirent en pièces et dispersèrent au loin par la campagne les lambeaux de son corps. Et même alors, quand, séparée de son cou blanc comme l'albâtre, sa tête était emportée par le tourbillon des eaux Eagriennes de l'Hèbre, sa voix encore et sa langue glacée appelaient Eurydice: « Ah! malheureuse Eurydice!» gémissait-il en expirant; et le long du fleuve les rives redisaient : « Eurydice ! »

CCXIII

(Tom. 1, p. 395.)

Tandis qu'il exhale ces plaintes, la tempête, que pousse avec un bruit strident l'Aquilon, frappe en plein sa voile et soulève les vagues vers les astres. Les rames se brisent, puis la proue dévie et présente aux flots le flanc du navire: l'onde en une masse énorme forme une sorte de montagne escarpée. Les uns sont suspendus sur la cime des vagues, les autres voient la terre au fond de l'abîme entr'ouvert : les sables bouillonnent en fureur. Trois vaisseaux qu'entraîne le Notus sont lancés sur les rochers, cachés au milieu des flots, que les Italiens appellent les Autels et dont n'émerge que la croupe immense; trois autres, poussés par l'Eurus de la haute mer sur les bas-fonds et sur les syrtes

(4) Le Medicus donne proram: le sujet de avertit serait alors procella. Avec prora le verbe est employé au sens neutre pour avertitur.

Unam, quæ Lycios fidumque vehebat Oronten,
Ipsius ante oculos ingens a vertice pontus
In puppim ferit: excutitur pronusque magister
Volvitur in caput; ast illam ter fluctus ibidem
Torquet agens circum et rapidus vorat æquore vertex.
Apparent rari nantes in gurgite vasto,

Arma virum tabulæque et Troia gaza per undas.
Jam validam Ilionei navem, jam fortis Achatæ,
Et qua vectus Abas, et qua grandævus Aletes,
Vicit hiems; laxis laterum compagibus omnes
Accipiunt inimicum imbrem rimisque fatiscunt.

Virg., Æn., I, 102-123.

CCXIV

Neptune apaise la tempête.

Interea magno misceri murmure pontum
Emissamque hiemem sensit Neptunus et imis
Stagna refusa vadis, graviter commotus; et alto
Prospiciens, summa placidum1 caput extulit unda.
Disjectam Æneæ toto videt æquore classem,
Fluctibus oppressos Troas cælique ruina.
Nec latuere doli fratrem Junonis et iræ.

Eurum ad se Zephyrumque vocat, dehinc talia fatur:
<<< Tantane vos generis tenuit fiducia vestri?
Jam cælum terramque, meo sine numine, Venti,
Miscere et tantas audetis tollere moles?

Quos ego.... Sed motos præstat componere fluctus.
Post mihi non simili pœna commissa luetis.
Maturate fugam, regique hæc dicite vestro:
Non illi imperium pelagi sævumque tridentem,

Sed mihi sorte datum. Tenet ille immania saxa,

(1) On a souvent relevé le contraste que forment les mots graviter commotus et placidum.

(ô spectacle pitoyable!) se brisent contre les écueils ou s'échouent au milieu des sables. Le navire qui portait les Lyciens et le fidèle Oronte, sous les yeux mêmes d'Enée, reçoit sur sa poupe le choc d'une vaste lame : le pilote est secoué, enlevé et roule, la tête en avant, dans la mer; le navire tournoie trois fois sur lui-même et s'engloutit dans un tourbillon rapide. Alors apparaissent nageant çà et là sur le vaste gouffre quelques naufragés; les armes des guerriers, les débris des bâtiments, les trésors de Troie flottent sur les eaux. Déjà le solide vaisseau d'Ilionée, et celui du vaillant Achate et celui qui porte Abas et celui que monte le vieil Alétès sont vaincus par la tempête; tous, par leurs flancs disjoints, reçoivent l'onde ennemie, s'ouvrent et s'abîment.

CCXIV
(Tom. I, p. 395.)

Cependant, au fracas des flots en courroux, Neptune s'est aperçu du déchaînement de la tempête qui agite la mer jusque dans ses profondeurs; vivement ému, il lève son front calme à la surface des eaux qu'il embrasse du regard. Il voit la flotte d'Enée dispersée de tous côtés et les Troyens écrasés par les flots et par les torrents qui tombent du ciel. Le frère de Junon a bientôt reconnu les ruses et les fureurs de la déesse. Il appelle à lui l'Eurus et le Zéphire et leur parle en ces termes : « Est-ce donc en votre origine que vous puisez tant d'audace? Osez-vous ainsi,sans mon ordre, vents téméraires, bouleverser le ciel et la terre et soulever de pareilles masses ? Je devrais vous... mais il vaut mieux calmer les flots émus. Désormais vous payerez un semblable attentat d'une tout autre peine; fuyez au plus vite et dites à votre roi que c'est non pas à lui mais à moi que sont échus l'empire de la mer et le redoutable trident: à lui appar

(2) Réticence fréquemment imitée. Cf. Ov., Her. XII, 207; Val. Flac., I, 202; Stacc, Théb., IV, 518.

Vestras, Eure, domos; illa se jactet in aula
Eolus et clauso ventorum carcere regnet. »

Sic ait, et dicto citius tumida æquora placat,
Collectasque fugat nubes solemque reducit.
Cymothoe simul et Triton adnixus acuto
Detrudunt naves scopulo; levat ipse tridenti
Et vastas aperit syrtes et temperat æquor
Atque rotis summas levibus perlabitur undas.
Ac veluti magno in populo cum sæpe coorta est
Seditio sævitque animis ignobile vulgus,
Jamque faces et saxa volant, furor arma ministrat ;
Tum, pietate gravem ac meritis si forte virum quem
Conspexere, silent, arrectisque auribus adstant;
llle regit dictis animos et pectora mulcet:
Sic cunctus pelagi cecidit fragor, æquora postquam
Prospiciens genitor, cæloque invectus aperto,

Flectit equos curruque volans dat lora secundo.

Virg., Æn., 1, v. 124-156.

CCXV

Apparition d'Hector à Énée au commencement du sac de Troie.

Tempus erat quo prima quies mortalibus ægris
Incipit et dono divum gratissima serpit.
In somnis ecce ante oculos mæstissimus Hector
Visus adesse mihi largosque effundere fletus,
Raptatus bigis, ut quondam, aterque cruento
Pulvere, perque pedes trajectus lora tumentes.
Hei mihi qualis erat! quantum mutatus ab illo1
Hectore, qui redit exuvias indutus Achilli,
Vel Danaum Phrygios jaculatus puppibus ignes!
Squalentem barbam et concretos sanguine crines
Vulneraque illa gerens, quæ circum plurima muros
Accepit patrios. Ultro flens ipse videbar

(1) Tout ce passage est imité d'Ennius. Cf. 1ere partie, tom.1, p. 241.

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