aux couleurs variées, elle ne mêle pas à ses loisirs les dures fatigues de la chasse. Mais tantôt elle baigne dans les ondes de sa source ses membres gracieux, puis, avec un peigne en bois de Cytore, elle ordonne ses cheveux et, pour se parer, consulte le miroir des eaux. Tantôt, après s'être couvert le corps d'un voile diaphane, elle repose sur un tendre lit ou de feuilles ou de gazon. Souvent elle cueille des fleurs. Il se fit même qu'elle en cueillait au moment où elle aperçut le jeune berger; et dès qu'elle le vit, elle désira le posséder. Toutefois, avant de l'aborder, malgré son impatience, elle arrange sa parure,inspecte sa mise avec soin et compose son visage; elle ne néglige rien de ce qui doit faire valoir sa beauté.Se montrant alors, elle l'apostrophe: << Enfant, tu mérites qu'on te prenne pour un dieu; si tu es dieu, tu peux être Cupidon; ou si tu es un mortel, heureux ceux qui t'ont donné le jour, heureux aussi ton frère et ta sœur, si tu as une sœur, et la nourrice qui t'a donné le sein; mais mille fois, mille fois encore plus heureuse que tous les autres celle qui peut-être t'est fiancée, pour qui tu voudras bien allumer le flambeau de l'hyménée. » CCCXXVII (Tom. III, p. 166 et 203.) Cependant il lui reste à faire plus qu'il n'a fait, car tous contre lui seul portent leurs efforts et de tous côtés l'assaillent en bandes compactes, ligués pour une cause contraire à la justice et à la bonne foi. Lui, comme soutien, il n'a que son beau-père, dont la piété est impuissante, et sa nouvelle épouse avec sa mère, qui remplissent le palais de leurs gémissements. Mais le bruit des armes et le cri des mourants s'entendent par-dessus tout; Bellone arrose de flots de sang les Pénates déjà profanés et sans cesse Pollutosque semel multo Bellona Penates Phinea. Tela volant hiberna grandine plura Præter utrumque latus præterque et lumen et aures. Contentusque fuga est. Neque enim dat tempus Ethemon; CCCXXVIII Phinée implore son pardon. Persée, par une terrible ironie, ne lui accorde que la grâce de ne point mourir par le fer et il le pétrifie dans cette lâche posture de suppliant qui perpétuera sa honte. Nomina longa mora est media de plebe virorum Dicere. Bis centum restabant corpora pugnæ: active la mêlée. Phinée et ses mille partisans enveloppent le héros. Les traits, plus serrés qu'une grèle d'hiver, volent autour de lui, passent devant ses yeux, sifflent à ses oreilles. Il réussit pourtant à s'appuyer le dos contre la pierre d'une immense colonne, et, ne craignant plus d'être surpris par derrière, il fait face à ses ennemis et soutient leurs attaques. A gauche, c'est Molpée de Chaonie qui le presse; à droite, c'est le Nabathéen Ethémon. Un tigre, qu'excite la faim, a-t-il entendu, aux deux extrémités d'une vallée, mugir des troupeaux, il ne sait où s'élancer de préférence et voudrait bondir des deux côtés à la fois ; ainsi Persée ne sait s'il doit se porter à droite ou à gauche. En blessant Molpée à la jambe, il le force à s'éloigner et se contente de l'avoir mis en fuite; car Éthémon ne lui laisse pas de repos; celui-ci, que la fureur emporte, en cherchant à frapper le héros à la tête, ne mesure pas son coup; l'épée se brise, vole en éclats, et la pointe, repoussée par la base de la colonne, vient se fixer dans la gorge même de son maitre; toutefois cette blessure n'est pas telle qu'elle doive donner la mort; il chancelle et tend vainement ses bras désarmés, Persée le transperce du glaive qu'il a reçu de Mercure. A la fin cependant Persée voit que son courage va succomber sous le nombre; alors il s'écrie: « Vous-mêmes m'y forcez, j'aurai recours à l'arme protectrice que je tiens d'un ennemi. Détournez vos regards, ô mes amis, s'il y a ici des amis pour moi. » Et il présente la tête de la Gorgone. CCCXXVIII (Tom. III, p. 166 et 203.) Il serait trop long de dire les noms des guerriers composant la troupe de Phinée : deux cents survivaient au com Gorgone bis centum riguerunt corpora visa. Ov., Metam., V, v. 207-235. bat; deux cents furent pétrifiés à la vue de la Gorgone. Alors seulement Phinée se repent de l'injustice de son attaque. Mais que faire ? 11 voit des statues dans diverses attitudes; il reconnaît ses compagnons, appelle chacun par son nom, implore d'eux des secours; n'en croyant pas ses yeux, il touche ceux qui sont le plus près de lui. C'était du marbre. Il détourne la tête et, d'un air suppliant, il étend de côté, en signe de soumission, ses mains et ses bras. « Tu triomphes, dit-il, ô Persée. Fais disparaître ce monstre terrible; écarte cette tête de Méduse qui pétrifie, écarte-la, je t'en supplie. Ce n'est ni la haine ni l'ambition du pouvoir qui m'ont poussé à la guerre ; j'ai pris les armes pour une fiancée; tes droits se fondaient sur tes services et les miens sur le temps; je regrette de ne pas t'avoir cédé. Je ne te demande que la vie, intrépide héros laisse-la-moi : tout le reste est à toi! >> En parlant ainsi, il n'ose lever les yeux sur celui que sa voix implore. << Une chose, timide Phinée, que je puis t'accorder et qui n'est pas une mince faveur pour un lâche, rassure-toi, dit Persée, je te l'accorderai; tu ne subiras aucune atteinte du fer. Bien plus, je ferai que tu vives la vie éternelle d'un monument; à jamais on te verra dans le palais de mon beau-père, où l'image de celui qui lui avait été promis sera pour mon épouse une consolation. » Il dit et il présente la tête de la fille de Phorcys du côté vers lequel Phinée détournait ses regards épouvantés. En vain s'efforce-t-il encore de l'éviter, son cou se raidit, et ses larmes se solidifient dans le marbre de ses yeux, son visage cependant respire toujours la crainte, son air, même sous la pierre, reste humble; ses mains, suppliantes; tout son aspect, celui d'un coupable qui demande grâce. |