CCXCII Tibulle à Glycère. Nulla tuum nobis subducet femina lectum: Hoc primum juncta est foedere nostra Venus. Nil opus invidia est, procul absit gloria vulgi: Nunc tu fortis eris, nunc tu me audacius ures : Sed Veneris sanctæ considam vinctus ad aras: Hæc notat injustos, supplicibusque favet. CCXCIII Tibul., IV. 13. La beauté n'a pas besoin de parure. Quid juvat ornato procedere, vita, capillo Et tenues Coa veste movere sinus? Aut quid Orontea1 crines profundere murrha, (1) Rivière de Syrie. CCXCII (Tom. II, p. 494 ct 497.) Pas une femme ne pourrait me détourner de t'aimer; c'est la première condition que mit Vénus à notre union. Toi seule me plais; si ce n'est toi, il n'est plus dans Rome une beauté qui puisse charmer mes yeux. Et puisses-tu ne paraître jolie qu'à moi ! Déplais aux autres, alors je serai tranquille. Je n'ai pas besoin d'être envié : loin de moi cette renommée mondaine; le sage sait silencieusement renfermer son bonheur en lui-même. Pour ma part, je vivrais heureux dans une forêt discrète où nul homme encore n'aurait laissé la trace de ses pas. Tu es pour moi le repos dans les soucis, la lumière dans la nuit sombre, tout un monde dans la solitude. Alors que le ciel enverrait une amante à Tibulle, il l'enverrait en vain, et Vénus elle-même serait impuissante. Je le jure par l'auguste Junon, révérée par toi et qui est pour moi la plus grande de toutes les divinités. Mais que fais-je, insensé? Hélas! hélas! je me suis désarmė, j'ai juré inconsidérément. Tes craintes m'étaient utiles. Maintenant tu vas te sentir forte, tu vas me tourmenter avec plus d'assurance; voilà l'état misérable où m'a mis ma langue indiscrète. Désormais, il faut que je fasse toutes tes volontés, que je reste toujours ton esclave, que je ne cherche point à me dérober au joug d'une maîtresse qui m'y a habitué. Mais, tout enchaîné, j'irai prier au pied des autels de l'auguste Vénus: elle punit l'injustice et protège ceux qui l'invoquent. CCXCIII (Tom. II, p. 529.) A quoi bon, chère âme, étaler une coiffure si recherchée et faire jouer les plis légers d'une robe au tissu de Cos? A quoi bon répandre sur tes cheveux la myrrhe de l'Oronte, te rendre esclave des produits étrangers, étouffer les grâces de la nature sous une parure d'emprunt et ne pas laisser ton corps briller de ses propres richesses? Crois-moi, Naturæque decus mercato perdere cultu, Nec sinere in propriis membra nitere bonis? Et volucres nulla dulcius arte canunt. Non Idæ et cupido quondam discordia Phoebo, Nec Phrygium falso traxit candore maritum * Non ego nunc vereor ne sim tibi3 vilior istis: Unica nec desit jucundis gratia verbis, Omnia quæque Venus, quæque Minerva probat, His tu semper eris nostræ gratissima vitæ, Tædia dum miseræ sint tibi luxuriæ. Prop., 1, 2. CCXCIV Cynthie a formé le projet de partir avec un riche préteur d'Illyrie. Reproches, plaintes et soumission de Properce. Tune igitur demens, nec te mea cura moratur ? An tibi sum gelida vilior Illyria? (1) Var.: formosior, frondosior, felicius et felicior. (2) Pélops, fils de Tantale, roi de Phrygic. tout art est inutile à ta beauté, l'Amour est nu et n'aime point la recherche des ornements. Vois comme la terre s'embellit de ses couleurs naturelles; vois comme, laissé à lui-même, le lierre vient mieux, comme l'arbousier s'élève plus florissant aux antres solitaires, et comme l'onde limpide sait courir quand elle suit son caprice. Les rivages de la mer brillent de l'éclat des mille petits minéraux qu'ils tiennent de la nature, et nul art ne rendrait plus doux le chant des oiseaux. Ce n'est point par une parure que la fille de Leucippe, Phébé, et sa sœur Hilaïre enflammèrent, l'une Castor et l'autre Pollux; que la fille d'Événus, au pays paternel, devint un objet de rivalité entre Idas et Phoebus amoureux d'elle; ce n'est point par un éclat emprunté qu'Hippodamie séduisit l'époux phrygien qui l'enleva sur son char étranger. Mais leur front, que ne surchargeait aucun bijou, avait la fraîcheur des figures d'Apelle. Elles ne se faisaient pas une étude de conquérir des amants, elles se trouvaient assez belles ornées de leur seule pudeur. Ce n'est pas que je craigne maintenant d'être dédaigné par toi; mais quand elle plaît à celui qu'elle aime, une femme est assez parée. Toi surtout, qui tiens d'Apollon le don des vers et de la bienveillance de Calliope la lyre d'Aonie, toi, dont la douce parole a une grâce parfaite, tu possèdes tout ce qu'apprécient et Vénus et Minerve; par là tu feras toujours le charme de ma vie; rejette seulement un luxe méprisable. CCXCIV (Tom. II, p. 534.) As-tu perdu la raison et mes chagrins ne t'arrêtent-ils pas? Ou bien ai-je moins de prix pour toi que la froide (3) Var. ne sic mihi. Et tibi jam tanti, quicumque est, iste videtur, Ut te felici vectam per cærula' remo Accipiat placidis Oricos æquoribus. Nam me non ullæ poterunt corrumpere tædæ, Cynthie reste. Triomphe de Properce. Hic erit, hic jurata manet: rumpantur iniqui: (1) Var.: prævecta ceraunia remo. (2) Il y avait uue ville d'Illyric du nom d'Élis, mais un vers du passage qui suit nous donne à penser qu'il s'agit de la ville d'Élis célèbre par ses courses. |