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n°. 2114. Si c'eft la conferva fontinalis du Docteur Withering, il faut qu'elle ait des fibres au moins de la longueur d'un demi-pouce. Si c'eft la plante pour laquelle M. Senebier la prend, il faut que les fibres foient encore plus longues. Selon ce dernier, les fibres paroiffent déjà au bout de deux jours, lorfqu'on expofe l'eau commune à l'action immédiate du soleil. Il dit qu'on les voit s'élever graduellement & tapiffer les parois fur tout le fond du verre. Cette plante, pourfuit M. Senebier, devient fort ferrée en bas, & parvient à une grandeur fi confidérable, qu'il l'a vu s'élever pendant deux mois à la hauteur de 2 pouces & demi au-deffus du fond.

Il ne m'eft certainement pas permis de jeter le moindre doute fur l'exactitude de M. Senebier, en obfervant la conferve dont il parle; mais il m'eft permis de douter fi la plante qu'il a obfervée, eft la matière verte que M. Priestley décrit dans fon quatrième volume; & effectivement, lorfqu'on compare une maffe informe, muqueufe, fans aucune organifation apparente, comme M. Priestley la décrit, avec une plante qui, felon M. Senebier, tapiffe comme un tiffu fort ferré tout le fond du vafe, & qui s'alonge jufqu'à 2 pouces & demi en hauteur, & par conféquent qui eft très-vifible à l'œil à plufieurs pas de diftance, on ne fauroit guère s'abstenir de douter fi ces deux êtres font les mêmes. Lorfque M. Priestley me montroit lui-même à Londres cette matière verte dont une cloche remplie d'eau étoit tapiffée, je n'y voyois pas plus que lui la moindre apparence de fibres; & fi elles euffent exifté, au moins d'une manière auli manifefte que M. Senebier les décrit, elles n'auroient pu échapper aux yeux d'un obfervateur auffi attentif que M. Priestley. Il paroîtra bientôt, je penfe, à tout Phyficien qui fe donnera la peine d'examiner cette fubftance fans préjugé, que le Docteur Priestley, en décrivant cette fubftance dans fon quatrième volume, s'eft montré un obfervateur auffi exacte qu'il eft univerfellement reconnu pour l'être.

J'ai examiné journellement, depuis plus de trois ans, cette fubftance, & l'ayant fuivie depuis fes premiers principes, par tous les changemens qui lui arrivent dans différentes circonstances, je crois être en etat de pouvoir en donner une defcription affez claire, pour ne plus fe tromper fur fon identité, & peut-être auffi fur fa nature. J'en ai fait faire des deffins exacts, & je les ai fait graver, pour en orner le fecond volume de mes expériences fur les végétaux. Je me contenterai ici d'en donner une defcription abrégée.

Pour éviter tout danger de prendre une fubftance pour l'autre, la prudence exige que nous produifions la matière verte fous nos yeux, de la même manière que M. Prieftley l'a produite, c'est-à-dire, dans des vafes de verre bien tranfparens, remplis d'eau de fource & expofés au foleil. Afin de voir plus à mon aife ce qui arrive au fond de ces vafes & à leurs parois, fans déranger ni l'appareil, ni la matière verte, je place com

munément quelques morceaux de verre plat au fond, & j'en fufpends quelques autres au milieu de l'eau, attachés à des morceaux de liége par le. moyen de fils. Lorfqu'après quelques jours on aura obfervé une bonne quantité des bulles d'air monter continuellement dans l'eau, on trouvera les parois du vafe intérieurement parfemées de corpufcules ronds ou ovales, ou approchant de ces figures, & d'une couleur verdâtre. Le nombre de ces corpufcules augmente journellement, & devient, au bout de quelques femaines, une croûte dont la verdure eft plus ou moins foncée, en raison du temps que l'eau a été expofée au foleil, & du nombre des corpufcules qui s'y font accumulés. La plupart de ces corpufcules s'attachent communément vers le fond du vafe; quelquefois cependant on en trouve la plus grande quantité vers la partie la plus haute. Quoiqu'on puiffe voir affez bien la forme de ces corpufcules, en appliquant un bon microscope à l'extérieur du vafe, pendant que le foleil éclaire l'eau, on peut les obferver cependant infiniment mieux, mettant au foyer d'un microscope, fur-tout d'un microfcope compofé, un des morceaux de verre placés au fond du vafe, ou fufpendus au milieu de l'eau. On trouvera que ces corpufcules font d'une forme affez régulière entre eux, extrêmement petits, enveloppés dans une matière muqueufe. On les reconnoîtra bientôt pour de véritables infectes qui ceffent de fe mouvoir, lorsqu'ils fe trouvent embarraffés dans cette couche glaireufe. On s'en convaincra aifément, dès qu'on en trouvera encore quelques-uns nageant à travers l'eau qui adhère au morceau de verre. Parmi ces infectes attachés au verre, on trouve communément une grande quantité de corps durs, tranfparens, angulaires, qui paroiffent être des fels, ou plutôt des criftaux pierreux. Ces cristaux font en général beaucoup plus volumineux que les infectes, & fe trouvent en plus ou moins grand nombre, felon la nature particulière de l'eau qu'on y a employée.

en

Lorfque cette croûte verte eft devenue, après quelque temps, d'une certaine épaiffeur & d'une verdure foncée, par l'accumulation des infectes verts qui continuent de s'y attacher, on ne distingue plus fi aifément ces corpufcules ou infectes verts, parce qu'étant extrêmement petits & entaffés les uns fur les autres, ils fe trouvent fi confondus avec la croûte muqueufe (qui elle-même eft ordinairement fans couleur), que le tout paroît être une maffe glaireufe verte, fans aucune apparence manifefte d'organisation: elle reffemble alors parfaitement à ce que M. Priestley la trouvé être, une déposition glaireuse de l'eau, devenue verte au foleil, a filmy matter.

Si on examine cette croûte dans un état encore plus avancé, on trouvera généralement qu'elle a acquis encore plus de confiftance, & que les corfpufcules ou infectes verts fe font encore plus intimément incorporés avec la matière muqueufe; de façon qu'on en fauroit à peine reconnoître les traces, lorfqu'on regarde une petite maffe de cette fubftance; mais fi

on l'éparpille en très-petits lambeaux, on obferve que fes bords déchirés font tous hériffés de fibres tranfparentes, fans aucune couleur, reffemblans à des tubes de verre. On obfervera ces fibres douées d'un mouvement manifefte; elles fe plient en tout fens, s'approchent, s'entrelaflent, & fe tortillent de nouveau. Ce mouvement, qui ressemble à celui de certaines animalcules aquatiques, qui ont la forme des anguilles, fe fait par intervalles très-irréguliers. M. l'Abbé Fontana m'a montré, il y a plufieurs années, des fibres femblables, mais vertes, douées d'un tel mouvement. Il les prit pour des animaux-plantes, & les crut des êtres intermédiaires entre ceux du règne animal & végétal. Dans les lambeaux déchirés de cette croûte muqueuse, on remarque çà & là les débris des infectes verts qui conftituoient le commencement de la croûte, & on reconnoît diftinctement que ce n'eft pas la croûte muqueufe qui eft verte elle-même; mais qu'elle doit fa verdure aux infectes verts qui s'y trouvent accumulés. Les changemens que j'ai indiqués jufqu'à préfent, ne fe trouvent que rarement plus avancés à la fin du troifième mois : j'ai même trouvé la matière verte avancée feulement à ce degré après quatre & même cinq mois; quelquefois elle parvient à cet état plus tôt ; cela dépend du degré de lumière qu'elle a reçu, de la qualité de l'eau qu'on a employée, & fur-tout des corps étrangers qui fe font putréfiés dans cette eau, & dont je parlerai après.

Si on s'obstine à abandonner à elle-même cette croûte muqueufe, ou la matière verte, les changemens déjà arrivés ne s'arrêtent nullement là. La croûte, communément liffe & polie au commencement, & affez égale en épaiffeur, devient raboteufe, fe gonfle irrégulièrement, & forme des efpèces de petites boffes. En examinant ces inégalités vers le fixième mois, j'y trouvois communément un grand nombre de fibres vertes & entartiliées entre elles, fur-tout vers la partie fupérieure. J'ai vu ces fibres quelquefois plus tôt, & d'autres fois plus tard.

En laiffant le vafe encore plus long-temps expofé au foleil (fi on prend garde de ne pas le laiffer s'échauffer trop; car la matière verte s'altère par trop de chaleur, & prend une couleur orangée), ces inégalités s'élèvent de plus en plus, mais très-lentement, en forme de pyramides, & parviennent, dans le temps de dix à douze mois, à une hauteur de 1 ou 2 pouces. Les fibres vertes, qui étoient toutes couchées dans la croûte lorfqu'elle commençoit à s'élever en boffes, s'érigent graduellement avec ces éminences, & deviennent perpendiculaires à leur longueur. Ces pyramides font d'un vert plus foncé vers leur partie fupérieure & latérale, qu'au milieu & en bas. Leur fubftance reffemble à une gelée affez ferme pour fe foutenir fous l'eau. Si elle mérite réellement le nom d'une plante, elle doit, je penfe, être claffée parmi les tremelles.

Les changemens détaillés jufqu'ici, font à peu près conformes à ce qui arrive le plus ordinairement lorfqu'on laisse la matière verte toujours

dans

par

dans le même vafe, fans la déranger, & qu'on ne communique aucun mouvement à l'eau, que lorfqu'on la renouvelle de temps en temps: mais il arrive quelquefois que cette efpèce de tremella ne fe forme pas, fur-tout lorfque la matière verte eft engendrée dans des vafes dans lefquels l'eau eft fujette à beaucoup de mouvement, foit par les vents, foit d'autres raifons; par exemple, dans les grands baffins ou réservoirs d'eau des jardins. Ces eaux étant beaucoup remuées & fouvent renouvelées, la croûte muqueufe ne fe forme pas, ou très imparfaitement; les infectes verts tombent au fond, fans s'attacher aux parois, defquelles la plupart d'eux font trop éloignés ; ils s'attachent ensemble en petites maffes granulées vertes, affez fermes, fort irrégulières & en figures & en grandeur. Ces petites maffes granulées, qu'on trouve en abondance dans les grands baffins d'eau bâtis en pierre, font très-fouvent entrelacées avec des fibres de la conferva rivularis, qui y croît en abondance. Lorfqu'on a nétoyé de toute ordure les grandes cuves de bois où l'on tient toujours de l'eau au Jardin Botanique de Vienne, pour arrofer les plantes, on y a trouvé au commencement la matière verte prefque comme dans les vafes de verre; mais après quelque temps, on n'y a rencontré prefque rien que la véritable conferva rivularis, dont les filamens, obfervés au microfcope, paroiffent être des tubes tranfparens, fans couleur, ayant des interfections plus ou moins diftantes les unes des autres. Ces fibres tubulaires femblent devoir leur couleur aux petits corpufcules verts, dont ils font comme farcis, & qu'on feroit tenté de pren. dre Four des reftes des infectes dont la matière verte eft compofée, ou pour ces infectes mêmes, qui y font enfermés comme ils feroient dans un tube de verre, c'est-à-dire, en liberté, fans être attachés au tube même, dont on les voit fortir librement & affez fouvent, lorfqu'on obferve au microscope les extrémités des fibres coupées. On placera peut-être les conferves parmi les zoophites, lorfqu'on fera convaincu que ces corpufcules verts, dont les fibres de la conferve font comme farcies, font des infectes morts ou vivans.

Eft ce que la matière verte de M. Priestley, toute compofée d'infectes véritables dans le premier temps de fon existence, fe change elle même, tantôt en tremelle, & tantôt en conferve? Je me contenterai, dans cet abrégé, de la relation du fait tel qu'il eft.

J'invite les Phyficiens à fuivre en été les progrès de cette fubftance vraiment curieufe, & entièrement négligée avant M. Priestley, au moins dans l'état dans lequel il l'a obfervée. Mais fi l'on défire abréger le temps, & obtenir bientôt une quantité très-considérable de la véritable matière verte de M. Priestley, on n'a qu'à fuivre la méthode fimple de la produire, qu'il a indiquée dans fon cinquième volume, imprimé en 1781: elle confifte à mettre dans l'eau expofée au foleil, un morceau de viande, de poiffon, de pomme de terre, ou de terre, ou quelque autre fubftance putrefcible. On verra bientôt (quoique pas infailliblement) toute l'eau devenue verte. En

examinant cette eau au foyer d'un bon microfcope, on trouvera que la couleur lui eft donnée par un nombre infini de petits infectes verts, trèsmanifestement vivans pendant affez long-temps. Ces infectes font communément ronds ou ovales. J'en ai rencontré des familles entières, qui paroiffoient doubles, la tête étant féparée du refte de leur corps par un filament extrêmement fin. J'ai obtenu conftamment, par le moyen de la fiente de vache & de pigeon, mise ensemble au foleil dans une grande cuve d'eau, une race d'infectes verts, oblongs, & dont les deux extrémités font pointues. Ils font beaucoup plus volumineux que ceux qu'on obtient ordinairement par d'autres moyens. Je produis ces mêmes infectes fouvent dans l'eau légèrement teinte de fang. Ces infectes oblongs font fujers à une métamorphofe affez fingulière, dont je parlerai dans mon Ouvrage indiqué. J'en ai fait faire une figure. La matière verte, produite de cette manière abrégée, eft infiniment plus abondante, plus caractérisée, & donne beaucoup plus d'air déphlogiftiqué que celle qui eft produite fpontanément dans l'eau. Les changemens qu'elle fubit ne diffèrent des métamorphofes auxquelles l'autre eft fujette, que parce qu'ils s'opèrent plus manifeftement, & en général plus promptement.

Il m'est arrivé fi rarement de voir quelque apparence d'une plante véritable, c'est-à-dire, de la conferva rivularis (car je n'en ai jamais rencontré d'autre ), parmi la matière verte de M. Priestley, pendant les deux premiers mois, que je les ai pris pour un pur accident. J'ai cependant vu qu'un baffin de faïence, rempli d'eau & expofé au soleil pendant quelques mois, étoit tout hériffé de conferva rivularis, fur-tout aux parois; mais j'y avois mis à deffein prémédité, quelques filamens de cette plante, pour voir ce qui en arriveroit. Je fuis tenté de croire que ce que je produifis à volonté, ou ce qui n'arrive que rarement, a été pris, par M. Senebier, pour un phénomène conftant. Je ne m'érigerai cependant pas en juge fur cette affaire; il décidera lui-même ce qui en eft, après avoir obfervé affez fouvent ce qui arrive, non pas par pur hafard, ou rarement, mais dans le cours ordinaire de la Nature, en plaçant l'eau commune au foleil, foit pure, foit pour abréger la recherche, en y ajoutant des fubftances putrefcibles, felon le confeil de M. Priestley.

Il paroîtra peut-être furprenant que ces infectes verts donnent de l'air déphlogistiqué également, lorfqu'ils font encore dans la vigueur de leur vie, ou lorfqu'ils fe trouvent morts, ou fans mouvement, embarraffés dans la croûte glaireufe, & qu'ils continuent d'en fournir en grande abondance au foleil, quelque métamorphofe qu'ils aient fubie après. Lorsqu'ils font devenus de petites maffes granulées, dont j'ai parlé plus haut, on en obtient une quantité furprenante d'air d'une qualité exquife; de façon que la quantité de cette fubftance qui occupe 4 ou 5 pouces cubiques eft en état de fournir peut-être plus de 1000 pouces cubiques de cet air, quoique placée dans une eau qui ne possède pas un atôme d'air, c'est-à-dire,

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