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même, combien de fois aussi les ministres ne seront-ils pas les solliciteurs, les instigateurs, les auteurs de ses lettres! Sans doute il est commode pour ceux qui se sont engagés dans un labyrinthe de difficultés, qu'on leur montre le fil pour en sortir ; mais c'est à eux à nous le montrer s'ils le connaissent, et qu'ils ne croient pas qu'on le leur tendra pour leur intérêt particulier. Je conclus à ce que le président soit chargé de représenter directement au roi que l'initiative est anti-constitutionnelle et absolument contraire à tous les décrets de l'assemblée nationale.

Le discours de M. de Mirabeau est applaudi par une grande partie de la salle; une autre partie demande la discussion de son amendement.

M. Desmeuniers. Lorsque j'ai proposé ma motion, je n'ai pas voulu éloigner l'assemblée de l'ordre de travail qu'elle s'est prescrit pour aujourd'hui; je pense que l'amendement de M. de Mirabeau est susceptible d'une longue discussion, et cette discussion ne peut être faite aujourd'hui, parce que les finances nous appellent. Je retire donc ma motion principale, et je demande qu'on passe à l'ordre du jour.

L'avis de M. Desmeuniers est mis aux voix et décrété.

L'ordre du jour est réclamé. On fait lecture du projet de décret sur la contribution patriotique.

M. Dupont. Le projet de décret est parfaitement inutile; il est contraire aux précédens décrets: il est inutile, puisque ce ne. sera pas par la contribution patriotique qu'on assurera la dépense de 1791; ce sera en mettant les besoins extraordinaires au niveau des ressources ordinaires: il est contraire à vos décrets, puisqu'il établit une espèce d'inquisition dans les fortunes, et que vous avez arrêté qu'on ne rechercherait les contribuables en aucune manière; il n'y a donc pas lieu à délibérer.

M. de Robespierre. Le décret proposé ne me paraît pas propre à produire l'effet qu'on en attend; il faut chercher la véritable cause du défaut de déclarations. Je ne puis être de l'avis du premier ministre, qui accuse le patriotisme des citoyens : ce patriotisme existe; il a seulement été ralenti par les erreurs dans les

quelles on a jeté le peuple, et par les moyens qu'on a pris pour lui persuader que la banqueroute était possible, et que la contre-révolution l'était aussi. (M. de Robespierre entre dans de très-grands détails.) Voilà les manœuvres qui ont arrêté l'essor du patriotisme; faites cesser les inquiétudes, le patriotisme reprendra toute son énergie, et l'on viendra en foule offrir une contribution qu'on croira alors ne pouvoir jamais être inutile à la liberté.

M. de Murinet. La longue éloquence de M. de Robespierre ne m'a pas du tout converti: le projet de décret me paraît très-nécessaire ; je demande qu'il soit adopté avec les amendemens qu'on présentera article par article.

M. Roederer. Le projet de décret est diamétralement opposé à deux autres décrets; vous avez demandé une contribution volontaire; vous avez voulu qu'il ne fût fait aucune poursuite, et l'on vous propose aujourd'hui d'en faire une contribution forcée, et d'autoriser les municipalités à faire des poursuites.... M. Roederer développe ces idées, conclut qu'il n'y a lieu à délibérer, et propose subsidiairement de faire imprimer et afficher, dans le lieu des élections, pendant dix ans années, la liste des contribuables.

M. Dubois de Crancé. C'est d'après des nouvelles des villes commerçantes, que le comité des finances a cru nécessaire de réformer la clause de l'impression des listes; les députés extraordinaires du commerce et des manufactures sont venus hier demander le rétablissement de cet article. Les motifs de l'opinion du comité des finances cessant, il a abandonné son opinion. En proposant les moyens qui lui paraissaient convenables pour assurer la contribution patriotique, il n'a point accusé le patriotisme des citoyens, mais les circonstances; il persiste dans le premier article, en chargeant les municipalités d'assurer les perceptions, il n'a pas entendu vous faire approuver des moyens inquisitoriaux; il est sûr que dans le délai accordé, nul citoyen ne refusera son secours à la patrie; mais il n'a pas cru qu'on pût qualifier d'inquisition des précautions sollicitées pour le salut public, et qu'une aussi grande considération doit faire regarder comme des actes de justice. Rien, dans les mesures proposées, n'était

imprudent ou trop rigoureux; les municipalités n'étaient autorisées à taxer que sous la surveillance des directoires de districts, et la taxe ne pouvait devenir obligatoire que d'après la décision du directoire de département.

M. le marquis de Fumel-Mont-Ségur. Puisque chacun fait son observation, je vais faire la mienne. Il court, dans les campagnes, des papiers incendiaires à 2 fr., dont l'objet est d'égarer le peuple. Il faut détruire ces erreurs pour rétablir le trésor public. Je demande l'ajournement, la rédaction d'une adresse pour engager le peuple à payer, et la proposition d'une loi sur la liberté de la

presse.

M. Roederer. Il serait convenable de charger les districts et les départemens, d'indiquer les moyens qu'ils jugeront nécessaires pour rendre plus productive la contribution patriotique.

M. de Cracy. Adoptons tous les moyens qui n'auront rien de coactif; employons surtout la persuasion, dans un temps où nous doutons encore du succès de nos travaux.... (Ce succès est certain, s'écrie une partie de l'assemblée.) Ce n'est pas nous, c'est le peuple.... (Une voix s'élève et dit : ce sont les ennemis du peuple et de la constitution.) Ce n'est pas nous qu'un semblable doute effraie; c'est le peuple qu'on trompe.... Il n'est pas étonnant que le patriotisme n'ait pas tout son effet. Quand une contribution volontaire se trouve forcée, par quelque moyen que ce soit, elle perd sa nature, et devient un impôt. Je propose de mettre les dates dans l'impression des listes, d'autoriser les officiers municipaux à appeler les citoyens qui n'auront pas fait de déclarations, et d'interdire tout autre moyen jusqu'à la for mation des corps administratifs.

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M. Pétion de Villeneuve. La contribution que yous avez décrétée est une contribution volontaire; vous n'avez donc pas le droit de contraindre par quelque moyen que ce soit. Il faut ajourner jusque après l'appel que doivent faire les officiers municipaux. Quand vous ignorez quel sera le succès de cette mesure, est-il nécessaire d'en arrêter d'autre?

M. le Chapelier. Je ne crois pas qu'on doive adopter ni ajour

ner le projet de décret. On ne peut l'adopter, parce qu'il ôterait à la contribution son caractère de contribution patriotique. Je ne crois pas non plus que vous puissiez ajourner; il s'agit ici de la propriété des citoyens, car en effet celui qui ne contribue pas aux besoins de la société, attaque la propriété des autres individus. Je propose d'autoriser les municipalités à imposer les citoyens qui n'auront pas fait de déclarations, en les admettant toutefois à venir déclarer dans le mois; alors l'imposition d'office tomberait d'elle-même. J'indiquerai de plus un moyen qui me paraît propre à déterminer à contribuer, sans que la contribution cesse d'être volontaire. Tous citoyens actifs seraient tenus de se présenter dans les assemblées primaires avec l'extrait des cotes des impositions ordinaires qu'ils supportent, et celui de la déclaration qu'ils ont faite, en affirmant vérité, pour la contribution patriotique on lirait ces extraits à haute voix: chacun pourrait juger la déclaration, soit d'après les connaissances particulières des moyens du déclarant, soit d'après la simple comparaison de sa déclaration ét de la somme de ses impositions ordinaires. Si la déclaration était inexacte, le déclarant deviendrait ineligible par le fait; car sans doute nul citoyen n'accorderait sa confiance à un homme qui, par le moyen d'un parjure, se serait soustrait à ses devoirs de citoyen. - Les premiers articles du projet de décret sont purement réglementaires, et pourraient être adoptés.

M. de Bousmard. Il est digne de vous d'employer des moyens plus conformes au caractère français. Si vous ordonniez aux départemens et districts de vous adresser le détail des contributions de chaque municipalité, et si vous chargiez votre président de témoigner aux différentes communautés, dont le patriotisme se serait signalé, la satisfaction de l'assemblée, vous verriez un combat de générosité s'élever entre tous les citoyens.

M. Voisin. Donnons l'exemple du patriotisme; abandonnons le quart de notre traitement.

Cette proposition est fortement appuyée par le côté droit de l'assemblée.

M. Lucas. Je propose en amendement que chaque membre fasse ici sa déclaration.

Cette proposition est fortement appuyée par la partie gauche de l'assemblée.

M. de Croix. Vous montrez toujours un très-grand empressement, quand il s'agit de faire des sacrifices à la patrie. Deux motions de ce genre sont proposées : j'adopte la seconde, et je combats la première. Le traitement des députés n'est point une faveur, c'est une indemnité juste et nécessaire; on vous propose d'engager une partie de l'assemblée à être injuste envers l'autre. Cette proposition tient à es intentions connues et à des motifs présentés plusieurs fois dans cette assemblée, et toujours jugés d'une manière peu favorable.

M. Roederer. C'est la guerre de la richesse contre la médiocrité. M. l'abbé Privat. Cette motion tend évidemment à la dissolution de l'assemblée.

M. Alexandre de Lameth. La motion de M. Voisin a-t-elle pour objet une nouvelle contribution? L'assemblée ne doit payer que celles auxquelles les autres citoyens sont soumis. S'agit-il d'accorder des secours aux malheureux? Il existe un comité des secours, et j'engage ceux qui montrent un si grand désintéressement à y porter leurs offrandes. Un don doit être libre et proportionné aux facultés de celui qui donne. Un grand nombre de nos collègues a quitté un état honorable et nécessaire à l'existence de celui qui le professait. Ce citoyen a donc besoin de son traitement. Beaucoup d'autres jouissent de cent mille livres de rente plus ou moins; si ceux-ci abandonnent la totalité de leur traitement, ils ne donnent point assez; si le premier en abandonne le quart, il donne trop. L'assemblée ne délibère pas et passe à l'ordre du jour.

On rappelle les divers amendemens.

M. Roederer. J'ai demandé l'impression et l'affiche de la liste des déclarans; cette proposition est au fond la même que celle de M. le Chapelier; je demande qu'elle y soit réunie, en bornant à trois années le temps de l'affiche.

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