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bleau sera fixé par le département, de manière à ce qu'il puisse se prêter aux récusations dont il sera parlé plus bas.

Art. 3. Les jurés seront choisis dans chaque canton par les assemblées primaires; il faudra être citoyen actif pour pouvoir être placé sur le tableau des jurés.

Des fonctions des jurés dans les procédures criminelles (1).

Art. 1er. Aussitôt après la première information, ou huit jours au plus après l'emprisonnement, s'il a eu lieu, le juge sera tenu de faire tirer au sort dans le tableau des jurés, en présence de deux adjoints qui seront nommés à cet effet, le nombre de dixhuit jurés, dont deux au moins devront être du canton de celui qui est prévenu du délit.

Art. 2. Pour y parvenir on mettra d'abord à part les noms des jurés du canton où demeure le prévenu; on en tirera deux au sort parmi eux; on remettra le reste, dans lequel on en tirera

placées chez nous avec avantage par le choix des citoyens; ce choix donne déjà un titre plus sûr à la confiance, et d'ailleurs il est conforme aux principes de notre constitution, dans laquelle tous les pouvoirs sont dans le peuple et viennent de lui. Mais il faut de toute nécessité que les jurés soient nombreux, afin que le sort ait plus de chances et que les combinaisons sur les jugemens deviennent impossibles: car tous ceux qui croient qu'on peut appeler jurés des gens qui ne sont pas pris au hasard et qui seraient connus d'avance n'ont aucune idée des jurés et de leurs avantages.

(Note de M. Duport.)

(1) Il ne s'agit pas d'examiner ici dans quelles circonstances et de quelle manière un homme pourra être mis en prison: la première procédure qui a lieu dans les matières criminelles est purement du ressort de la police; elle consiste à arrêter le coupable s'il est pris en flagrant délit ; elle consiste encore à entendre les premières informations, à dresser les procès-verbaux, etc... L'épreuve judiciaire ne commence vraiment qu'au décret, qui est l'acte qui constitue un homme accusé et le traduit devant la justice. C'est une maxime sacrée chez les Anglais que nul homme ne peut être accusé que par le témoignage de quatorze hommes libres et légaux, qui l'accusent au nom du comté, pro corpore comitatùs. Ce principe doit aussi être celui de tous les pays libres et dans lesquels il y a des élections populaires. Des juges, quoique nommés par le peuple, sont connus d'avance; ils peuvent ètre facilement séduits : au lieu qu'on ne peut ni séduire ni corrompre des gens qu'on ne connaît pas et dont la mission commence et finit presqu'en même temps. Voilà ce qui rend l'institution des jurés le palladium de la liberté publique, comme elle l'est de la liberté individuelle, parce que de simples citoyens décident le fait dans chaque affaire.

(Celte note et les suivantes sont toujours de M. Duport.)

encore seize pour compléter le nombre de dix-huit qui doit former le premier jury.

Art. 3. Le juge sera tenu de réunir sans délai les jurés dont le nom aura été désigné par le sort. Lorsqu'ils seront assemblés il leur fera prêter le serment suivant:

Vous, citoyens, vous jurez et promettez d'examiner avec toute l'attention dont vous êtes capables tous les actes et les pièces qui vont vous être présentés. Vous ferez usage de tout ce qui peut être parvenu à la connaissance de chacun de vous; vous vous expliquerez avec franchise ei loyauté; vous ne suivrez ni les sentimens de la haine et de la méchanceté, ni ceux de la crainte ou de l'affection. L'accusation que vous allez porter contiendra, autant que vous le saurez la vérité, toute la vérité, rien que la vérité; vous garderez secret tout ce que vous pourrez dire ou entendre (1).

Art. 4. Après le serment prêté, on leur présentera les informations, les écritures, les pièces, les procès verbaux du délit et tout ce qui peut être propre à éclairer leur décision; ce fait, ils resteront seuls pour délibérer (2).

Art. 5. Dans cette délibération ils feront usage de leurs connaissances personnelles; ensuite ils pèseront les dépositions des témoins la majorité de douze sera nécessaire pour décider qu'il y a lieu à l'accusation.

:

(1) Voici le serment qu'on fait prêter aux grands-jurés en Angleterre : « Tous vous informerez avec soin et vous ferez une dénonciation véritable » de tous les articles, matières et choses, comme elles vous seront données en charge, ou autrement pourront venir à votre connaissance touchant » la présente fonction; vous garderez un secret véritable sur le conseil du roi, ce que vous savez, ainsi que vos compagnons; vous ne dénoncerez * personne par haine, malice ou mauvaise volonté; vous ne la dénoncerez » pas non plus par crainte, faveur ou affection, ni par espérance, récom» pense où promesses qui vous seront faites pour cela : mais dans toutes vos ⚫ dénonciations vous direz la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, sui⚫vant votre meilleure intelligence et connaissance. »>

On sent toute l'importance d'un serment dont l'objet est de déterminer l'obligation des jurés, et de les lier d'une manière positive à cette obligation.

(2) On conçoit bien que rien ici n'est ni ne peut être public; sans quoi il serait impossible de jamais saisir les complices. Il ne s'agit pas non plus de récusation; c'est lors du second juré que toutes ces dispositions ont lieu.

Art. 6. Si le juré a décidé qu'il n'y avait lieu à l'accusation, le prévenu será relâché s'il était en prison, et il ne pourra plus être inquiété ni poursuivi pour raison du même fait, à moins qu'il ne survienne de nouvelles preuves.

Art. 7. Si le juré décide qu'il y a lieu à l'accusation il sera tenu de la déterminer d'une manière détaillée, positive et claire: il dira que tel est accusé d'avoir fait telle chose et de l'avoir faite méchamment (1).

Art. 8. Lorsque le juré aura décidé qu'il y a lieu à l'accusation le juge rendra un décret (2) conformément à sa décision; il continuera l'instruction de l'affaire à la diligence du ministère public, et dans le délai de huitaine, le juge sera tenu d'assembler le second juré pour décider le fait de l'accusation.

Art. 9. Le délai pourra être prorogé par le juge, s'il est nécessaire de le faire, sur la demande du ministère public; il pourra aussi être prorogé sur la demande (3) de l'accusé présent.

Art. 10. Les citoyens qui auront été membres du premier juré ne pourront (4) être membres du second.

(1) Il faut absolument mentionner qu'un délit a été commis méchamment; car si un homme a été involontairement cause de la blessure, même de la mort d'un autre individu, il n'y a lieu à aucune punition, et par conséquent à aucune accusation.

(2) Soit un décret de prise de corps pour le constituer prisonnier, soit un simple ajournement avec ou sans caution ; il faut qu'il soit rendu par le juge, qui a seul un caractere public.

(3) Une grande vue d'humanité et de justice doit admettre cette disposition. Souvent dans un pays on a vu tous les esprits s'échauffer à l'occasion d'un crime réel ou imaginaire : alors il se forme un sentiment général de haine ou d'horreur contre ceux qui en sont accusés, qui dispose les jurés et les juges à être plus faciles sur la preuve. L'accusé et ses conseils, qui peuvent redouter les effets de ce trouble momentanë, lequel empèche le jury de décider sans aucune prévention, doivent avoir le droit de demander qa'on suspende son jugement. Comme il faudra qu'il soit présent pour donner cette requêté, il n'y a aucun danger quelconque à admettre une disposition qui concilie les principes de l'humanité, de la justice et de la raison.

(4) Il ne faut pas placer les hommes dans une telle position qu'ils soient tentés de commettre une injustice pour couvrir une erreur: ainsi l'homme qui a décrété ne doit pas être celui qui appliquera la loi; celui qui juge l'accusation ne doit pas juger le délit.

En Angleterre nul ne peut être juré pour un crime capital qu'il n'ait été dëja jurë en matière civile. Cette disposition paraît juste et convenable à adopter parmi nous.

Art. 11. Lorsqu'il s'agira d'assembler le second juré, le juge fera tirer au sort, toujours en présence des deux adjoints, quarante-huit noms sur le tableau ; il en présentera la liste à l'accusé avec la désignation de leur profession et de leur demeure.

Art. 12. L'accusé en récusera (1) trente-cinq sans pouvoir donner de motif.

Art. 13. Les jurés seront avertis par le juge de se rendre à l'endroit indiqué, et ils ne pourront (2) s'en excuser sans des motifs d'une évidente impossibilité, et qui devront être jugés.

Art. 14. S'il y a plusieurs accusés, ils se réuniront pour la récusation; si cependant, ils étaient plus de quatre, la liste sera augmentée, toujours par le sort, de manière à ce que chaque accusé puisse en récuser au moins huit (5).

Ari. 15. Le juge fera prêter tout haut le serment suivant (4) aux jurés : Citoyens, vous jurez et promettez d'examiner avec l'attention la plus scrupuleuse les charges portées contre un tel; vous n'écouterez que votre conscience, et vous déciderez avec impartialité; vous ferez votre rapport avec la loyauté, la droiture et la fermeté qui conviennent à des hommes libres.

(1) Ce moyen d'assurer l'impartialité des jurés est si conforme à la justice et à l'humanité, qu'il n'a besoin que d'être proposé pour être admis. Quoique douze jurés soient suffisans, il paraît convenable d'en mettre un de plus pour suppléer aux accidens, sans qu'il soit nécessaire de faire retirer de nouveau au sort d'autres jurés: cela a lieu en Angleterre, à quelques différences près.

(2) Les jurés auront en cela la même obligation que celle que les témoins ont maintenant.

(3) Voici le moyen d'empêcher que les jurés ne soient parens ou alliés, serviteurs ou domestiques des parties: il faut obliger l'accusé ou les accusés à en faire la récusation. S'ils ne la font pas il faudra que les jurés, avant que de prendre place, déclarent qu'ils ne sont parens, alliés, serviteurs ou domestiques; et si un juré n'avait pas été récusé par ces conditions, il le serait alors, et le juge ferait tirer au sort pour le remplacer parmi ceux que l'accusé aurait déjà récusés. Je n'ai pas voulu mettre en article cette combinaison un peu compliquée, et qui n'a pas lieu en Angleterre, parce que c'est le shérif qui choisit les jurés, et qu'il a eu soin en général de ne pas choisir des parens, etc.

(4) Voici le serment anglais :

Vous examinerez bien et vraiment; vous ferez un rapport véritable entre le roi et le prisonnier à la barre, que vous êtes chargés de faire, et ⚫ vous donnerez un verdict véritable suivant l'évidence. »

Art. 16. Cela fait, ils prendront place; on leur lira le procès; le ministère public donnera des conclusions avec leurs motifs. Art. 47. Toute la procédure sera entièrement publique, jusqu'à la décision des jurés exclusivement.

Art. 18. Il sera d'abord demandé à l'accusé et au témoin s'ils se connaissent, et à celui-ci s'il reconnaît l'accusé pour être celui dont il a entendu parler.

Art. 19. L'accusé ou ses conseils pourront alléguer leurs reproches contre les témoins; les jurés y auront tel égard que de raison lors de l'examen.

Art, 20. Cela fait, on entendra les témoins de vive voix (1); l'accusé ou ses conseils pourront les questionner et les faire expliquer; enfin l'accusé sera interrogé, et après cet interrogatoire il ne pourra plus être fait aucun acte judiciaire quelconque.

Art. 21. S'il y a plusieurs accusés du même crime, ils seront confrontés séparément (2) avec les témoins, ensuite de quoi ils seront confrontés entre eux.

Art. 22. Les jurés alors se retireront dans une chambre, et ils y resteront sans pouvoir parler (5) ni communiquer avec qui que ce soit s'ils veulent entendre encore l'accusé ils le pourront, mais en présence du juge et du public seulement, et ce; avant qu'ils aient commencé à délibérer entre eux.

Art. 23. Lorsqu'ils seront seuls et retirés dans leur chambre, ils discuteront l'affaire entre eux jusqu'à ce qu'ils soient convenus de leur rapport.

Art. 24. Les (4) cinq sixièmes des voix seront nécessaires pour toute espèce de condamnation.

(1) Grâce à la justice et à l'humanité de l'Assemblée nationale, toutes ces dispositions ne sont plus des idées neuves; on ne les voit plus avec cette défiance que l'on conçoit toujours pour toutes les nouveautés; l'expérience en a prouvé l'avantage et l'utilité: il en sera de même des jurés.

(2) Cette disposition est nécessaire pour empêcher que les accusés ne concertent entre eux leur défense.

(3) L'extreme sévérité des formes anglaises me paraît inutile; mais il faut que les jurés ne puissent communiquer avec personne, et qu'ils ne puissent voir ou entendre l'accusé ou les juges qu'en présence du public, seul obstacle invincible à la séduction et à l'intrigue.

(4) En Angleterre, il faut l'unanimité pour condamner; mais elle est également nécessaire pour absoudre de là il résulte qu que la décision repré

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