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venaient de la loi des douze tables. On ne peut donc pas douter que cette loi n'eût augmenté le nombre des causes de répudiation établies par Romulus.

La faculté du divorce fut encore une disposition ou du moins une conséquence de la loi des douze tables car dès le moment que la femme ou le mari avait séparément le droit de répudier, à plus forte raison pouvaient-ils se quitter de concert et par une volonté mutuelle.

La loi ne demandait point qu'on donnât des causes pour le divorce (a). C'est que par la nature de la chose il faut des causes pour la répudiation, et qu'il n'en faut point pour le divorce ; parce que là où la loi établit des causes qui peuvent rompre le mariage, l'incomptabilité mutuelle est la plus forte de toutes.

Denys d'Halicarnasse (b), Valère-Maxime (c), et Aulu-Gelle (d), rapportent un fait qui ne me paraît pas vraisemblable. Ils disent que, quoiqu'on eût à Rome la faculté de répudier sa femine, on eut tant de respect pour les auspices, que personne, pendant cinq cents vingt ans (e), n'usa de ce droit, jusqu'à Carvilius Ruga, quí répudia la sienne pour cause de stérilité. Mais il suffit de connaître la nature de l'esprit humain

(a) Justinien changea cela. Novel. 178, ch. iv.

(b) Liv. II. (c) Liv. II, chap. x. — (d) Liv. IV, chap. 11. (e) Selon Denys d'Halicarnasse et Valère-Maxime; et 523, colon Aulu-Gelle. Aussi ne mettent-ils pas les mêmes consuls.

pour sentir quel prodige ce serait que, la loi donnant à tout un peuple un droit pareil, personne n'en usât. Coriolan, partant pour son exil, conseilla (a) à sa femme de se marier à un homme plus heureux que lui. Nous venons de voir que la loi des douze tables et les moeurs des Romains étendirent beaucoup la loi de Romulus. Pourquoi ces extensions, si on n'avait jamais fait usage de la faculté de répudier? De plus, si les citoyens eurent un tel respect pour les auspices qu'il ne répudièrent jamais, pourquoi les législateurs de Rome en eurent-ils moins? Comment la loi corrompit-elle sans cesse les mœurs?

En rapprochant deux passages de Plutarque, on verra disparaître le merveilleux du fait en question. La loi royale (b) permettait au mari de répudier dans les trois cas dont nous avons parlé. « Et elle voulait, dit Plutarque (c), que celui qui répudierait dans d'autres cas fût obligé de donner la moitié de ses biens à sa femme, et que l'autre moitié fût consacrée à Cérès ». On pouvait donc répudier dans tous les cas, en se soumettant à la peine. Personne ne le fit avant Carvilius Ruga (d),

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qui, comme dit encore Plutarque (e), répudia

(a) Voyez le discours de Véturie, dans Denys d'Halicarnasse, livre VIII.

(b) Plutarque, Vie de Romulus.

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(c) Plutarque, ibid.

(d) Effectivement, la cause de stérilité n'est point portée par la loi de Romulus. Il y a apparence qu'il ne fut point sujet à la confiscation, puisqu'il suivait l'ordre des censeurs.

(e) Dans la comparaison de Thésée et de Romulus.

sa femme pour cause de stérilité, deux cents trente ans après Romulus » ; c'est-à-dire qu'il la répudia soixante et onze ans avant la loi des douze tables, qui étendit le pouvoir de répudier et les causes de répudiation.

que

Les auteurs que j'ai cités disent que Carvilius Ruga aimait sa femme; mais qu'à cause de sa stérilité les censeurs lui firent faire serment qu'il la répudierait, afin qu'il pût donner des enfans à la république ; et que cela le rendit odieux au peuple. Il faut connaître le génie du peuple romain pour découvrir la vraie cause de la haine qu'il conçut pour Carvilius. Ce n'est point parce Carvilius répudia sa femme qu'il tomba dans la disgrâce du peuple, c'est une chose dont le peuple ne s'embarrassait pas; mais Carvilius avait fait un serment aux censeurs, qu'attendu la stérilité de sa femme, il la répudierait pour donner des enfans à la république. C'était un joug que le peuple voyait que les censeurs allaient mettre sur lui. Je ferai voir dans la suite (a) de cet ouvrage les répugnances qu'il eut toujours pour des réglemens pareils. Mais d'où peut venir une telle contradiction entre ces auteurs? Le voici : Plutarque a examiné un fait, et les autres ont raconté une merveille.

(a) Au liv. XXIII, chap. xx1.

LIVRE DIX-SEPTIÈME.

COMMENT LES LOIS DE LA servitude pOLITIQUE ONT

DU RAPPORT AVEC LA NATURE DU CLIMAT.

CHAPITRE PREMIER.

De la servitude politique.

La servitude politique ne dépend pas moins de la nature du climat que la civile et la domestique, comme on va le faire voir.

CHAPITRE II.

Différence des peuples par rapport au courage.

Nous avons déjà dit que la grande chaleur énervait la force et le courage des hommes, et qu'il y avait dans les climats froids une certaine force de corps et d'esprit qui rendait les hommes capables des actions longues, pénibles, grandes et hardies. Cela se remarque non seulement de nation à nation, mais encore dans le même pays d'une partie à une autre. Les peuples du nord de la Chine (a) sont plus courageux que ceux du

(a) Le P. du Halde, tome I, page 112.

midi : les peuples du midi de la Corée (a) ne le sont pas tant que ceux du nord.

des

Il ne faut donc pas être étonné que la lâcheté des peuples des climats chauds les ait presque toujours rendus esclaves, et que le courage peuples des climats froids les ait maintenus libres. C'est un effet qui dérive de sa cause naturelle.

Ceci s'est encore trouvé vrai dans l'Amérique : les empires despotiques du Mexique et du Pérou étaient vers la ligne, et presque tous les petits peuples libres étaient et sont encore vers les poles,

CHAPITRE III.

Du climat de l'Asie.

Les (b) relations nous disent « que le nord de l'Asie, ce vaste continent qui va du quarantième degré ou environ jusqu'au pole, et des frontières de la Moscovie jusqu'à la mer orientale, est dans un climat très-froid; que ce terrain immense est divisé de l'ouest à l'est par une chaine de montagnes qui laissent au nord la Sibérie, et au midi la grande Tartarie; que le climat de la Sibérie est si froid, qu'à la réserve de quelques

(a) Les livres chinois le disent ainsi. Ibid, tome IV, p. 448. (b) Voyez les Voyages du Nord, tome VIII; l'Hist, des Tattars; et le vol. IV de la Chine, du P. du Halde.

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