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Le but de la Société Philomathique, en organisant ses Expositions, a été constamment et uniquement d'être utile. L'idée d'en retirer un bénéfice n'est jamais entrée dans ses calculs. Elle n'a cherché pour elle qu'une seule chose, bien légitime, tout à fait nécessaire même, c'est de mettre, comme on dit vulgairement, les bouts ensemble et de se tirer sans perte

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considérable d'entreprises qui comportent de gros aléas. Elle a donc dû, dans des budgets préparatoires, prévoir et mettre en balance le minimum de recettes et le maximum de dépenses, et, pour se couvrir de la différence, chercher à se créer les ressources extraordinaires que nous connaissons. En fait, le succès a le plus souvent couronné ses efforts, et plusieurs des dernières Expositions ont donné d'excellents résultats, non seulement matériels, mais financiers. L'Exposition de 1854 laissa, tous frais payés, un bénéfice net de 5,900 francs; et l'Exposition de 1859, un bénéfice net de 25,000 francs. L'Exposition de 1865, financièrement moins heureuse, occasionna un

déficit de 8,700 francs. Les deux dernières Expositions, à tous les points de vue, les plus brillantes de toutes, se sont soldées : celle de 1882 par un bénéfice net de 25,000 francs; celle de 1895 par un bénéfice net de 500,000 francs.

Extensions el annexes des Expositions. Conférences et Congrès. - Les Expositions modernes forment un cadre presque indéfiniment extensible. Le mouvement de personnes et d'objets auquel elles donnent lieu est devenu l'occasion d'un nombre considérable de manifestations ou d'entreprises secondaires, dont un bon nombre rentrent elles-mêmes dans la conception et dans l'œuvre de la Société Philomathique.

Nous ne parlons pas des fêtes, artistiques ou populaires, ni des visites de souverains ou de grands personnages. La Société Philomathique n'a point dédaigné les premiers, et elle s'est montrée de tout temps sensible à l'honneur des seconds, depuis celle de la duchesse de Berry, en 1828, jusqu'à celle du président Félix Faure, en 1895. Nous avons ici spécialement en vue deux catégories de manifestations beaucoup moins extérieures, mais dont l'utilité, non moins grande que celle des Expositions, est souvent en connexité avec elle : les conférences et les congrès.

L'Exposition de 1882 fut celle où les conférences ont joué le rôle le plus brillant. Pendant toute sa durée, des orateurs appartenant à tous les milieux et à toutes les compétences ont initié le grand public aux questions scientifiques, techniques et littéraires, présentant pour lui le plus d'intérêt et le plus d'actualité.

L'Exposition de 1895 a été, si nous pouvons dire, l'Exposition des congrès. Vingt-cinq congrès, dont plusieurs internationaux, ont été tenus à Bordeaux durant l'année 1895, mettant en présence les intérêts et les personnalités les plus considérables de la France et de l'étranger, et traitant des matières les plus variées: congrès d'ampélographie, des artistes français, des propriétaires d'appareils à vapeur; congrès pour l'avancement des sciences; congrès protestant pour l'étude des sciences sociales; congrès des chambres syndicales patronales;

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Bal offert par la Ville de Bordeaux à l'Empereur Napoléon III à l'occasion de sa visite à l'Exposition de 1859.

congrès de chant grégorien; congrès des maîtres et ouvriers coiffeurs; congrès dentaire; congrès de l'enseignement technique, industriel et commercial; congrès de géographie, de gynécologie, obstétrique et pédiatrie; congrès des habitations à bon marché; congrès de la Ligue française de l'enseignement; congrès des langues romanes, de la marine marchande, de médecine mentale et nerveuse, de médecins français, de pêche, ostréiculture et pisciculture; congrès de la presse, de la protec. tion de l'enfance; congrès de sauvetage, des sociétés d'instruction et d'éducation populaire, de sténographie; congrès des vins et spiritueux.

Organisation administrative, fonctionnement, jurys el rapports. Ce qui caractérise les Expositions philomathiques, c'est non seulement d'être exclusivement dues à l'initiative d'une Société privée, seule responsable, mais encore d'avoir été conduites, avant, pendant et après, par l'intelligence et le dévouement tout désintéressé des membres de la Société. Mesures de publicité destinées à recruter les exposants et à attirer les visiteurs, organisations du contrôle, de la police, des services sanitaires et de voirie, réception, placement et protection des objets exposés, institution et fonctionnement de jurys compétents chargés d'examiner les différentes catégories d'objets et de décerner les récompenses, sont autant de charges qu'à toute époque ont assumées les membres de la Société Philomathique. Ici encore l'importance et la perfection des moyens employés sont dans la seconde moitié du siècle en progression marquée. Rien ne fait mieux ressortir cette progression que le rapprochement des diverses affiches murales, dont la plus ancienne qui ait été reproduite, modeste à la fois dans son libellé, dans son format et dans son exécution typographique, date seulement de 1844, et dont les plus récentes sont de véritables œuvres d'art.

Mais la perfection et la complication des services administratifs des dernières Expositions n'enlèvent rien au mérite des premiers philomathes, dont l'effort personnel, pour s'être exercé dans une sphère plus restreinte et dans des conditions

moins brillantes, n'en reste pas moins grand que celui de leurs

successeurs.

Si nous voulions nous départir de la règle que nous nous sommes imposée, de présenter ici l'œuvre philomathique sous une forme anonyme et collective, et nommer ceux qui ont été les promoteurs et les metteurs en œuvre des treize Expositions bordelaises, nous aurions à citer tout ce que Bordeaux a compté de plus éminent dans le cours du xix° siècle comme hommes d'affaires, comme hommes d'étude, comme administrateurs et comme magistrats.

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Les promoteurs de la première Exposition, à laquelle il faut toujours se reporter pour mesurer le chemin parcouru avaient décidé que dans la séance de distribution des récompenses qui suivrait l'Exposition, il serait fait « un rapport sur les perfectionnements successifs de l'industrie à Bordeaux et sur les moyens d'en håter les progrès». Cette sage idée n'a cessé d'être mise en pratique, de sorte que les rapports des treize Expositions philomathiques, joints à certains discours des présidents qui les complètent, constituent en quelque sorte le bilan et l'histoire résumée des progrès de l'industrie et du commerce de Bordeaux et de la région, en même temps que celle des Expositions elles-mêmes. D'ailleurs, le cadre des Expositions s'élargissant, le cadre des rapports s'est lui-même élargi, et fournit sur l'évolution de certaines branches de l'industrie ou du commerce national et même international des données importantes.

Ces rapports sont intéressants à un autre point de vue. Ils nous font connaître les idées philosophiques, scientifiques et économiques en cours dans les milieux philomathiques, c'està-dire dans les milieux éclairés de Bordeaux, et les préoccupations des classes dirigeantes dans le cours du xix® siècle.

Le discours de Leupold, lu à la distribution des récompenses de l'Exposition de 1828, soulève à lui seul tout un monde d'idées loi de progrès indéfini entraînant irrésistiblement l'humanité vers des destinées meilleures, influence du luxe sur la moralité, égalité des hommes en aptitudes et en droits dans l'inégalité de leurs conditions; l'instruction et l'aisance

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