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notre Silvia, et du Lorenzo, sans oublier le Circé, trois vapeurs qui ont du rester quelques jours à l'Ile Verte pour attendre une place et, une fois cette dernière obtenue, ont subi pour leur déchargement de telles lenteurs que nous avons décidé, mes amis et moi, de ne plus envoyer nos vapeurs dans ce port, si ce n'est avec une augmentation de fret de 1 sch. minimum par tonne.

» Pour l'affaire que vous me proposez, je pourrais l'accepter, mais au fret de... Il est parfaitement inutile que vous insistiez sur votre prix de..., car nous n'arriverons pas à nous entendre, à cause de la perle de temps et des frais excessivement élevés de Bordeaux, qui, sans doute, est le port le plus cher de la France. » Les armateurs anglais ne se montrent pas plus satisfaits. On en jugera par les trois lettres que nous traduisons ici. La première émane d'une maison de Londres :

((...

Nous ne vous cachons pas que nous avons été très désappointés des retards subis par les derniers vapeurs que nous avons envoyés à Bordeaux par votre intermédiaire.

» Le Portland a dû attendre six jours avant de pouvoir obtenir une place de déchargement, et le retard pour la Duchess-of-York a été de dix jours.

» De pareilles pertes de temps deviennent très graves, en présence des taux modérés que nous avions consentis et si de meilleurs aménagements ne peuvent pas être obtenus à Bordeaux, nous serons dans l'obligation de demander des frets plus élevés pour ce port ou de nous refuser entièrement à y aller. »

La deuxième lettre porte la signature d'une firme de West Hartlepool :

« ... Nous ne voulons pas manquer de vous signaler le retard considérable subi à Bordeaux par notre vapeur Oakby sous la charle en date du 12 novembre 1907. Ce bateau est arrivé à Bordeaux le 2 janvier et, faute d'aménagements suffisants, il lui a été impossible d'obtenir un poste de déchargement avant le 10 du méme mois, soit une perte de huit jours.

» Dans ces conditions, le navire a subi une lourde perle et pour l'avenir nous serons dans l'obligation de demander des frets beaucoup plus élevés pour Bordeaux que pour les ports voisins où le déchargement s'opère dans de bien meilleures conditions. »

Mentionnons, enfin, les plaintes d'un armateur de Cardiff:

« Nous référant à nos précédentes observations concernant les retards subis à Bordeaux, nous vous signalons que notre steamer Coventry a attendu six jours pour avoir une place, et notre steamer Elmville huit jours.

» Nos capitaines nous ont indiqué que cette situation se perpétue depuis fort longtemps à Bordeaux, et c'est pourquoi nous avons exclu ce port dans les voyages conclus avec vous.»

Si l'on veut bien considérer que les documents que nous publions se réfèrent à une époque où les appontements de Queyries sont relativement moins encombrés et où la pénurie des wagons se fait sentir moins lourdement, on réalisera toute la gravité de la crise que nous signalons.

Ajoutons que la Chambre de commerce s'est efforcée, depuis un an, d'y porter remède.

C'est ainsi qu'on procède actuellement à des travaux qui ont été autorisés par décrets des 18 et 31 juillet 1907 et qui auront pour effet d'allonger les appontements de 120 mètres en amont.

D'autre part, un projet d'allongement en aval de 90 mètres a été présenté, en mai dernier, à M. le Ministre des Travaux publics. Il est actuellement soumis à l'enquête.

Ces améliorations, une fois réalisées, mettront-elles l'ouvrage en mesure de satisfaire aux besoins de la rive droite? Il suffit, pour être fixé à cet égard, de consulter les chiffres du tonnage manutentionné aux appontements de Queyries et de constater l'énorme augmentation subie par ce tonnage depuis six ou sept ans. Or, nous ne sommes pas en présence d'un phénomène accidentel, dû à des circonstances exceptionnelles. Les causes en sont d'ordre permanent et il faut voir la principale dans le rapide développement de Bordeaux au point de vue industriel.

C'est là un fait qu'on met, dans certains milieux, quelque mauvaise grâce à reconnaître. En ce qui nous concerne, nous sommes d'autant plus à l'aise pour le signaler une fois de plus que nous en avons appuyé la constatation par des documents précis dans le Rapport que, sur sa demande, nous avons eu

l'honneur de présenter à la Chambre de commerce de Bordeaux

en igor.

Depuis cette époque, le mouvement que nous avions signalé s'est accentué dans des conditions que nous n'eussions pas osé espérer.

Pour demeurer sur la rive droite et parler seulement de l'industrie chimique, nous avons à enregistrer en 1902, la construction des établissements Lagache, couvrant 75,000 mètres carrés environ et représentant un mouvement de marchandises pouvant varier entre 20 et 30,000 tonnes; en 1904, la création de l'usine bordelaise de la Société Saint-Gobain Chauny et Cirey, avec une superficie approximative de 8 hectares 1/2 et un tonnage qui, en comptant les réceptions faites pour l'alimentation des usines de la Société à l'intérieur, doit dépasser largement 100,000 tonnes; en 1906, la mise en train de la fabrique de MM. les Fils de Salles, comportant 20 à 22,000 mètres carrés et susceptible de recevoir et expédier dès maintenant de 15 à 20,000 tonnes de marchandises.

En outre, sont actuellement en construction ou viennent d'entrer en fonctionnement deux usines destinées à la fabrication du soufre, du sulfate de cuivre, etc., et pouvant couvrir ensemble de 2 à 3 hectares.

On conviendra qu'il y a là pour notre port des éléments de prospérité dont il serait coupable de ne pas assurer par tous les moyens le développement normal.

Ayant établi le bilan- lourdement déficitaire de la rive droite, passons maintenant sur la rive gauche. Nous la trouvons singulièrement plus favorisée, au point de vue du nombre et de l'importance des ouvrages.

En dehors du port de batelage, nous y comptons 2,400 mètres environ de quais verticaux, coupés par cinq cales inclinées. Les navires y rencontrent, à une distance de quelques mètres à peine, des profondeurs variant de 5 mètres à 650 au-dessous de l'étiage.

Rive

gauche.

Le bassin à flot comporte une surface d'eau de 10 hectares environ et développe près de 1,600 mètres de quais utilisables. Creusé à la cote (-3.00), il est commandé par deux écluses, dont la plus importante présente 152 mètres de longueur utile sur 22 mètres de largeur, et se trouve précédé d'un avant-port maintenu à la cote (-3.00), avec une fosse à la cote (-5.00).

Un nouveau bassin est actuellement en construction. Il fera suite au premier, auquel il se trouvera relié par un pertuis de 25 mètres de largeur. Il sera provisoirement creusé à la cote (-3.50), mais les quais seront établis de telle sorte que la profondeur puisse être portée ultérieurement à (—4.50), ce qui assurera un mouillage de 9 à 10 mètres suivant le niveau de l'eau dans le bassin. Divisé en deux darses par un môle orienté parallèlement au pertuis, pourvu, à l'extrémité du môle et à l'entrée du pertuis, d'une troisième darse d'évolution, il aura une surface d'eau de près de 11 hectares. La longueur totale des murs de quai sera de 1,958 mètres; on y disposera de 16 postes de 100 mètres et d'un poste de 77 mètres.

Les travaux relatifs à l'exécution de la première partie de ce programme (pertuis de communication, darse sud et darse d'évolution) sont actuellement interrompus à la suite de difficultés survenues entre les entrepreneurs et l'Administration des Ponts et Chaussées. Ce litige est encore pendant devant les tribunaux administratifs. Le retard qui en résulte est d'autant plus regrettable que, pour un port comme le nôtre, où la navigation doit compter avec la marée et des courants assez violents, l'existence de vastes bassins est d'une nécessité absolue.

Au bassin à flot n° 1 est adjointe une forme de radoub commandée par un pertuis d'une largeur de 22 mètres et présentant une longueur utilisable de 15135 au niveau du radier. Le seuil est à la cote (−3.00); il peut donc recevoir des navires calant au moins 750.

Une deuxième forme, d'une longueur utile de 100 mètres, avec un seuil à la cote (2.00), vient d'être achevée et entre en fonctionnement.

IV

D'UN MOYEN DE PORTER REMÈDE A LA CRISE ACTUELLE

DU PORT DE BORDEAUX.

Une des causes de la crise :

Disproportion entre

Après les indications que nous venons de fournir, on sera sans doute d'accord avec nous pour estimer que l'un des facteurs les plus importants de la crise que nous traversons est constitué par la disproportion existant, pour l'une et l'autre l'outillage et rive de la Garonne, entre les ouvrages mis à la disposition du commerce et l'importance du trafic auquel ces ouvrages ont à faire face :

En Queyries, un appontement de 545 mètres pour manutentionner près d'un million de tonneaux; sur la rive gauche, près de 4.000 mètres de quais pour un peu plus de 2 millions de tonnes!

le trafic des deux rives.

Création entre les deux rives de relations par voies ferrées

Le remède à cette situation paradoxale paraît simple. Il Un remède : consisterait à mettre à la disposition de la rive droite engorgée les disponibilités que peut offrir la rive gauche mieux aménagée, disponibilités dont l'achèvement du second bassin à flot va prochainement accroître l'importance dans les proportions les plus larges. Solution logique, certes, mais qui économiques

1. Pour arriver à une exacte interprétation de ces chiffres, il convient de ne pas oublier que l'utilisation des quais doit être envisagée au point de vue, non seulement du tonnage manutentionné, mais aussi du tonnage de jauge des navires accostés.

Or, c'est un fait connu de tous que les vapeurs fréquentant la rive gauche pour y prendre ou y débarquer des articles très divers, lesquels pour la plupart n'appartiennent pas à la catégorie des marchandises pondéreuses, représentent, par rapport au poids effectif manipulé, un tonnage de jauge très sensiblement supérieur à celui des navires opérant en Queyries le déchargement des charbons, minerais, phosphates, etc. Ils exigent donc, à tonnage égal de marchandises chargées et déchargées, une longueur de quais sensiblement plus grande.

Cette observation prend toute sa valeur en ce qui concerne les paquebots desservant les grandes lignes de navigation.

2. Il va de soi que la solution indiquée ici ne saurait être exclusive de celles qui peuvent tendre au même but par des voies différentes.

C'est ainsi que, pour notre part et la question technique demeurant toujours

rapides et

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