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tout la tranquillité, et où la subordination extrême s'appelle la paix, il faut renfermer les femmes; leurs intrigues seraient fatales au mari. Un gouvernement qui n'a pas le temps d'examiner la conduite des sujets la tient pour suspecte par cela seul qu'elle paraît et qu'elle se fait sentir.

Supposons un moment que la légèreté d'esprit et les indiscrétions, les goûts et les dégoûts de nos femmes, leurs passions grandes et petites, se trouvassent transportées dans un gouvernement d'Orient, dans l'activité et dans cette liberté où elles sont parmi nous; quel est le père de famille qui pourrait être un moment tranquille? Partout des gens suspects, partout des ennemis, l'état serait ébranlé, on verrait couler des flots de sang.

CHAPITRE X.

Principe de la morale d'Orient.

Dans le cas de la multiplicité des femmes, plus la famille cesse d'être une, plus les lois doivent réunir à un centre ces parties détachées; et plus les intérêts sont divers, plus il est bon que les lois les ramènent à un intérêt.

Cela se fait surtout par la clôture. Les femmes ne doivent pas seulement être séparées des hommes

par la clôture de la maison, mais elles en doivent encore être séparées dans cette même clôture, en sorte qu'elles y fassent comme une famille particulière dans la famille. De là dérive pour les femmes toute la pratique de la morale, la pudeur, la chasteté, la retenue, le silence, la paix, la dépendance, le respect, l'amour, enfin une direction générale de sentimens à la chose du monde la meilleure par sa nature, qui est l'attachement unique à sa famille.

Les femmes ont naturellement à remplir tant de devoirs qui leur sont propres, qu'on ne peut assez les séparer de tout ce qui pourrait leur donner d'autres idées, de tout ce qu'on traite d'amusemens, et de tout ce qu'on appelle des affaires.

On trouve des mœurs plus pures dans les divers états d'Orient, à proportion que la clôture des femmes y est plus exacte. Dans les grands états, il y a nécessairement de grands seigneurs. Plus ils ont de grands moyens, plus ils sont en état de tenir les femmes dans une exacte clôture, et de les empêcher de rentrer dans la société. C'est pour cela que dans les empires du Turc, de Perse, du Mogol, de la Chine et du Japon, les mœurs des femmes sont admirables.

On ne peut pas dire la même chose des Indes, que le nombre infini d'îles et la situation du ter-, rain ont divisées en une infinité de petits états que le grand nombre des causes que je n'ai pas

le temps de rapporter ici rendent, despotiques.

Là, il n'y a que des misérables qui pillent et des misérables qui sont pillés. Ceux qu'on appelle des grands n'ont que de très-petits moyens ; ceux qu'on appelle des gens riches n'ont guère que leur subsistance. La clôture des femmes n'y peut-être aussi exacte, l'on n'y peut pas prendre d'aussi grandes précautions pour les contenir; la corruption de leurs moeurs y est inconcevable.

C'est là qu'on voit jusqu'à quel point les vices du climat, laissés dans une grande liberté, peuvent porter le désordre : c'est là que la nature a une force et la pudeur une l'on ne faiblesse que peut comprendre. A Patane (a) la lubricité (b) des femmes est si grande, que les hommes sont contraints de se faire de certaines garnitures pour se mettre à l'abri de leurs entreprises. Selon M. Smith (c), les choses ne vont pas mieux dans

(a) Recueil des voyages qui ont servi à l'établissement de la compagnie des Indes, tome II, part. II, page 196.

(b) Aux Maldives, les pères marient leurs fillles à dix et onze ans, parce que c'est un grand péché, disent-ils, de laisser endurer nécessité d'hommes. Voyages de François Pyrard, chap. x11. A Bantam, sitôt qu'une fille a treize ou quatorze ans, il faut la marier, si l'on ne veut qu'elle mène une vie débordée. Recueil des voyages qui ont servi à l'établissement de la compagnie des Indes, page 348.

(c) Voyage de Guinée, seconde partie, page 192 de la traduction. « Quand les femmes, dit-il, rencontrent un homme, elles le saisissent et le menacent de le dénoncer à leur mari, s'il les méprise. Elles se glissent dans le lit d'un homme, elles le réveillent; et s'il les refuse, elles le menacent de se laisser prendre sur le fait. »

les petits royaumes de Guinée. Il semble que dans ces pays-là les deux sexes perdent jusqu'à leurs propres lois.

CHAPITRE XI,

De la servitude domestique, indépendante de la polygamie.

Ce n'est pas seulement la pluralité des femmes qui exige leur clôture dans de certains lieux d'Orient, c'est le climat. Ceux qui liront les horreurs, les crimcs, les perfidies, les noirceurs, les poisons, les assassinats que la liberté des femmes fait faire à Goa et dans les établissemens des Portugais dans les Indes, où la religion ne permet qu'une femme, et qui les compareront à l'innocence et à la pureté des mœurs des femmes de Turquie, de Perse, du Mogol, de la Chine et du Japon, verront bien qu'il est souvent aussi nécessaire de les séparer des hommes, l'orsqu'on n'en a qu'une, que quand on en a plusieurs.

C'est le climat qui doit décider de ces choses, Que servirait d'enfermer les femmes dans nos pays du nord, où leurs moeurs sont naturellement bonnes, où toutes leurs passions sont calmes, peu actives, peu raffinées, où l'amour a sur le cœur un empire si réglé, que la moindre police suffit pour les conduire?

Il est heureux de vivre dans ces climats qui

permettent qu'on se communique; où le sexe qui a le plus d'agrémens semble parer la société ; et où les femmes, se réservant aux plaisirs d'un seul, servent encore à l'amusement de tous.

CHAPITRE XII.

De la pudeur uaturelle.

Toutes les nations se sont également accordées à attacher du mépris à l'incontinence des femmes: c'est que la nature a parlé à toutes les nations. Elle a établi la défense, elle a établi l'attaque ; et ayant mis des deux côtés des désirs, elle a placé dans l'un la témérité, et dans l'autre la honte. Elle a donné aux individus, pour se conserver, de longs espaces de temps; et ne leur a donné, pour se perpétuer, que des momens.

Il n'est donc pas vrai que l'incontinence suive les lois de la nature; elle les viole au contraire. C'est la modestie et la retenue qui suivent ces lois.

D'ailleurs il est de la nature des êtres intelligens de sentir leurs imperfections: la nature a donc mis en nous la pudeur, c'est-à-dire la honte de nos imperfections.

Quand donc la puissance physique de certains climats viole la loi naturelle des deux sexes et celle des êtres intelligens, c'est au législateur à

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