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CHAPITRE VII.

Du monarchisme.

Le monachisme y fait les mêmes maux ; il est né dans les pays chauds d'Orient, où l'on est moins porté à l'action qu'à la spéculation.

En Asie, le nombre des derviches ou moines semble augmenter avec la chaleur du climat ; les Indes, où elle est excessive, en sont remplies. On trouve en Europe cette même différence.

Pour vaincre la paresse du climat, il faudrait les lois cherchassent à ôter tous les moyens que de vivre sans travail; mais dans le midi de l'Europe elles font tout le contraire; elles donnent à ceux qui veulent être oisifs des places propres à la vie spéculative, et y attachent des richesses immenses. Ces gens, qui vivent dans une abondance qui leur est à charge, donnent avec raison leur superflu au bas peuple : il a perdu la propriété des biens; ils l'en dédommagent par l'oisiveté dont ils le font jouir; et il parvient à aimer sa misère

même.

CHAPITRE VIII.

Bonne coutume de la Chine.

Les relations (a) de la Chine nous parlent de la cérémonie (b) d'ouvrir les terres que l'empereur fait tous les ans. On a voulu exciter (c) les peuples au labourage par cet acte public et solennel.

De plus, l'empereur est informé chaque année du laboureur qui s'est le plus distingué dans sa profession; il le fait mandarin du huitième ordre.

Chez les anciens Perses (d), le huitième jour du moi nommé chorremruz, les rois quittaient leur faste pour manger avec les laboureurs. Ces institutions sont admirables pour encourager l'agriculture.

(a) Le P. du Halde, Histoire de la Chine, tome II, p. 72. (b) Plusieurs rois des Indes font de même. Relation du royaume de Siam, par la Loubère, page 69.

(c) Venty, troisième empereur de la troisième dynastie, cultiva la terre de ses propres mains, et fit travailler à la soie dans son palais, l'impératrice et ses femmes. Histoire de la Chine. (d) M. Hyde, Religion des Perses.

CHAPITRE IX.

Moyens d'encourager l'industrie.

Je ferai voir au livre XIX que les nations paresseuses sont ordinairement orgueilleuses. On pourrait tourner l'effet contre la cause, et détruire la paresse par l'orgueil. Dans le midi de. l'Europe, où les peuples sont si frappés par le point d'honneur, il serait bon de donner des prix aux laboureurs qui auraient le mieux cultivé leurs champs, ou aux ouvriers qui auraient porté plus loin leur industrie. Cette pratique réussira même par tout pays. Elle a servi de nos jours, en Irlande, à l'établissement d'une des plus importantes manufactures de toile qui soient en Europe.

CHAPITRE X.

Des lois qui ont rapport à la sobriété des peuples.

Dans les pays chauds, la partie aqueuse du sang se dissipe beaucoup par la transpiration (a);

(a) M. Bernier, faisant un voyage de Lahor à Cachemire, écrivait «< Mon corps est un crible; à peine ai-je avalé une pinte d'eau que je la vois sortir comme une rosée de tous mes membres jusqu'au bout des doigts; j'en bois dix pintes par jour, et cela ne me fait point de mal. » Voyage de Bernier, tome II, page 261.

il y faut donc substituer un liquide pareil. L'eau y est d'un usage admirable : les liqueurs fortes y coaguleraient les globules (a) du sang qui restent après la dissipation de la partie aqueuse.

Dans les pays froids, la partie aqueuse du sang s'exhale peu par la transpiration; elle reste en grande abondance. On y peut donc user des liqueurs spiritueuses sans que le sang se coagule. O n est plein d'humeurs; les liqueurs fortes, qui donnent du mouvement au sang, y peuvent être convenables.

La loi de Mahomet, qui défend de boire du vin, est donc une loi du climat d'Arabie;' aussi, avant Mahomet, l'eau était-elle la boisson commune des Arabes. La loi (b) qui défendait au Carthaginois de boire du vin était aussi une loi du climat; effectivement le climat de ces deux pays est à peu près le même.

Une pareille loi ne serait pas bonne dans les

pays froids, où le climat semble forcer à une certaine vrognerie de nation, bien différente de celle de la personne. L'ivrognerie se trouve établie par toute la terre dans la proportion de la froideur et de l'humidité du climat. Passez de l'équateur jusqu'à notre pole, vous y verrez l'i

(a) Il y a dans le sang des globules rouges, des parties fibreudes globules blancs, et de l'eau dans laquelle nage tout

ses,

eela.

(b) Platon, liv, II des Lois. Aristote, DU SOIN DES AFFAIRES DOMESTIQUES. Eusèbe, PRÉP. ÉVANG. liv. XII, chap. XVII.

vrognerie augmenter avec les degrés de latitude. Passez du même équateur au pole opposé, vous y trouverez l'ivrognerie aller vers le midi (a), comme de ce côté-ci elle avait été vers le nord.

Il est naturel que là où le vin est contraire au climat, et par conséquent à la santé, l'excès en soit plus sévèrement puni que dans les pays où l'ivrognerie a peu de mauvais effets pour la personne, où elle en a peu pour la société, où elle ne rend point les hommes furieux, mais seulements tupides. Ainsi les lois (b) qui ont puni un homme ivre, et pour la faute qu'il faisait, et pour l'ivresse, n'étaient applicables qu'à l'ivrognerie de la personne, et non à l'ivrognerie de la nation. Un allemand boit par coutume, un espagnol par choix.

:

Dans les pays chauds, le relâchement des fibres produit une grande transpiration des liquides mais les parties solides se dissippent moins. Les fibres, qui n'ont qu'une action très-faible et peu de ressort, ne s'usent guère, il faut peu suc nourricier pour les réparer on y mange donc très-peu.

de

Ce sont les différens besoins dans les différens

(a) Cela se voit dans les Hottentots et les peuples de la pointe du Chili qui sont plus près du sud.

(b) Comme fit Pittacus, selon Aristote, Polit., liv. II, chap. III. al vivait dans un climat où l'ivrognerie n'est pas un vice de nation.

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