Page images
PDF
EPUB

les a obligées de marcher à la manière des bêtes elle a fait frémir la pudeur (a); mais, lorsqu'elle a voulu contraindre une mère...., lorsqu'elle a voulu contraindre un fils..., je ne puis achever, elle a fait frémir la nature même (b).

CHAPITRE XV.

De l'affranchissement de l'esclave pour accuser le maître.

que

Auguste établit les esclaves de ceux qui auraient conspiré contre lui seraient vendus au public, afin qu'ils pussent déposer contre leur maître (c). On ne doit rien négliger de ce qui mène à la découverte d'un grand crime. Ainsi, dans un état où il y a des esclaves, il est naturel qu'ils puissent être indicateurs; mais ils ne sauraient être témoins.

Vindex indiqua la conspiration faite en faveur de Tarquin; mais il ne fut pas témoin contre les enfans de Brutus. Il était juste de donner la liberté à celui qui avait rendu un si grand service à sa patrie; mais on ne la lui douna pas, afin qu'il rendît ce service à sa patrie.

Aussi l'empereur Tacite ordonna-t-il que les esclaves ne seraient pas témoins contre leur maî

(a) Recueil des voyages qui ont servi à l'établissement de la compagnie des Indes, tome V, part. II.

(b) Ibid. page 496. — (c) Dion, dans Xiphilin.

tre dans le crime même de lèse-majesté (a); loi qui n'a pas été mise dans la compilation de Justinien.

CHAPITRE XVI.

Calomnie dans le crime de lèse-majesté.

Il faut rendre justice aux Césars; ils n'imaginèrent pas les premiers les tristes lois qu'ils firent. C'est Sylla (b) qui leur apprit qu'il ne fallait point punir les calomniateurs; bientôt on alla jusqu'à les récompenser (c).

་་

CHAPITRE XVII.

De la révélation des conspirations.

Quand ton frère, ou ton fils, ou ta fille, ou ta femme bien-aimée, ou ton ami, qui est comme ton âme, te diront en secret : Allons à d'autres dieux, tu les lapideras; d'abord ta main sera

(a) Flavius Vopiscus, dans sa vie.

(b) Sylla fit une loi de majesté, dont il est parlé dans les oraisons de Cicéron PRO CLUENTIO, art, III; IN PISONEM, art. 21; deuxième contre Verrès, art. V; épitres familières, liv. III, lett. II. César et Auguste les insérèrent dans les lois Julies; et d'autres y ajoutèrent.

(c) « Ex quo quis distinctior accusator eo magis honores assequebatur, ac veluti sacrosanctus erat. » TACITE.

sur lui, ensuite celle de tout le peuple. » Cette loi du Deuteronome (a) ne peut être une loi civile chez la plupart des peuples que nous connaissons, parce qu'elle y ouvrirait la porte à tous les crimes.

La loi qui ordonne dans plusieurs états, sous peine de la vie, de révéler les conspirations auxquelles même on n'a pas trempé, n'est guère moins dure. Lorsqu'on la porte dans le gouvernement monarchique, il est très-convenable de la restreindre.

Elle n'y doit être appliquée dans toute sa sévérité qu'au crime de lèse-majesté au premier chef. Dans ces états, il est très-important de ne point confondre les différens chefs de ce crime.

Au Japon, où les lois renversent toutes les idées de la raison humaine, le crime de non révélation s'applique aux cas les plus ordinaires.

Une relation (b) nous parle de deux demoiselles qui furent enfermées jusqu'à la mort dans un coffre hérissé de pointes; l'une, pour avoir eu quelque intrigue de galanterie; l'autre, pour ne l'avoir pas révélée.

(a) Chap. XIII, vers. 6, 7,8 et 9.

(b) Recueil des voyages qui ont servi à l'établissement de la compagnie des Indes, page 423, liv. V,

part. II.

CHAPITRE XVIII.

Combien il est dangereux dans les républiques, de trop punir le crime de lèse-majesté.

Quand une république est parvenue à détruire ceux qui voulaient la renverser, il faut se hâter de mettre fin aux vengeances, aux peines et aux récompenses même.

On ne peut faire de grandes punitions, et par conséquent de grands changemens, sans mettre dans les mains de quelques citoyens un grand pouvoir. Il vaut donc mieux dans ce cas pardonner beaucoup que punir beaucoup, exiler peu qu'exiler beaucoup, laisser les biens que multi ́plier les confiscations. Sous prétexte de la vengeance de la république, on établirait la tyrannie des vengeurs. Il n'est pas question de détruire celui qui domine, mais la domination. Il faut rentrer, le plus tôt que l'on peut, dans ce train ordinaire du gouvernement où les lois protégent tout, et ne s'arment contre personne.

Les Grecs ne mirent point de bornes aux vengeances qu'ils prirent des tyrans ou de ceux qu'ils soupçonnèrent de l'être. Ils firent mourir les enfans (a), quelquefois cinq des plus proches parens (b); ils chassèrent une infinité de familles.

(a) Denys d'Halicarnasse, Antiquités rómaines, liv. VIII. (b) « Tyranno occiso, quinque cjus proximos cognatione, magistratus necato. » Cicéron, de inventione, lib. II.

[ocr errors]

Leurs républiques en furent ébranlées; l'exil ou le retour des exilés furent toujours des époques qui marquèrent le changement de la constitution.

:

Les Romains furent plus sages. Lorsque Cassius fut condamné pour avoir aspiré à la tyrannie, on mit en question si l'on ferait mourir ses enfans ils ne furent condaninés à aucune peine. « Ceux qui ont voulu, dit Denys d'Halicarnasse (a), changer cette loi à la fin de la guerre des Marses et de la guerre civile, et exclure des charges les enfans des proscrits par Sylla, sont bien criminels. >>

On voit dans les guerres de Marius et de Sylla jusqu'à quel point les âmes chez les Romains s'étaient peu à peu dépravées. Des choses si funestes firent croire qu'on ne les reverrait plus. Mais, sous les triumvirs, on vonlut être plus cruel, et le paraître moins : on est désolé de voir les sophismes qu'employa la cruauté. On trouve dans Appien (b) la formule des proscriptions. Vous diriez qu'on n'y a d'autre objet que le bien de la république, tant on y parle de sang-froid, tant on y montre d'avantages, tant les moyens que l'on prend sont préférables à d'autres, tant les riches seront en sûreté, tant le bas peuple sera tranquille, tant on craint de mettre en danger la vie des citoyens, tant on (a) Liv. VIII, page 547.

(b) Des guerres civiles, liv. IV.

« PreviousContinue »