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toute la nation, et la représente dans tous ses attributs extérieurs : ainsi il a la direction de la force armée, la perception et l'emploi du revenu public, la surveillance de la justice, de la police et des mœurs; il est chargé du maintien de la tranquillité tant intérieure qu'extérieure: il décide la guerre et négocie la paix; il protége l'agriculture, l'industrie, le commerce, les sciences et les arts : c'est lui, en un mot, qui est chargé de promouvoir la prospérité et le bonheur de la nation (47).

§ 2.

Ainsi, c'est essentiellement le pouvoir exécutif qui doit connaître et poursuivre tout ce qui appartient à la conservation de la société dont la conduite lui est confiée : c'est donc lui qui doit connaître et pratiquer les véritables principes du droit des gens, puisque son ignorance et ses erreurs à cet égard pourraient plonger la nation dans un abîme de malheurs.

§ 3.

Il est de l'essence du pouvoir exécutif de n'être point responsable de ses actions; c'est

là une suite de l'inviolabilité. Cependant, il faut une garantie contre les actes arbitraires; il faut que le chef du pouvoir soit arrêté dans la tendance qu'il peut avoir à empiéter sur les droits, sur la liberté du peuple; il faut, en un mot, qu'il ne puisse point agir, dès qu'il veut violer ses obligations. L'obstacle qu'il doit rencontrer, consiste dans la responsabilité de ses agens. Cette responsabilité, pour n'être point éludée, exige que le pouvoir exécutif ne puisse avoir d'action que par l'entremise de ses agens: tout ordre de choses contraires à ce principe constitue le despotisme; et lorsque ce moyen, quoiqu'établi, est négligé, on peut dire que l'esprit public est corrompu; que le gouvernement a une marche irrégulière, c'est-à-dire qu'il n'y a plus de liberté, ou au moins que les citoyens la voient avec insouciance.

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$ 4.

Il est des gouvernemens mixtes où la puissance exécutive participe d'une manière quelconque à la législation; et alors son pouvoir augmente d'une manière proportionnelle car dès-lors il n'est plus le simple agent d'une volonté étrangère; il l'est aussi en grande partie de sa propre volonté. En Angleterre, cha

que membre du parlement a le droit de proposer des lois. Les deux chambres ont la négative, l'une à l'égard de l'autre ; le roi l'a sur toutes les deux ; et lorsqu'il en use les délibérations demeurent sans effet.

§ 5.

Quant à l'utilité politique de la participation du pouvoir exécutif à la confection de la loi, quoique contradictoire avec les principes dits républicains, elle est sensible: en effet, le gouvernement se trouve placé entre la nation comme être moral, et tous ses membres comme individus; il est donc seul en position de discerner le choc de l'intérêt personnel avec l'intérêt public, et seul il a les moyens d'en arrêter les effets; d'un autre côté il doit connaître les besoins de l'état, ceux des sujets, et les moyens de les concilier, et d'y pourvoir; ainsi lui seul peut éclairer et diriger le législateur vers le but de la société; donc il doit participer à la législation, sinon il y a un tiraillement perpétuel entre les deux pouvoirs; la législation est incertaine, flottante, même envahissante, faute de contrepoids, et elle peut d'autant plus aisément être vicieuse, qu'en général les membres d'un corps législatif, quelles que soient

leurs lumières, ne connaissent pas par la pratique l'ensemble de la machine politique, par conséquent la position et les besoins de l'état, aussi bien que le gouvernement, qui est dans une constante activité, qui est sans cesse présent partout.

§ 6.

Au reste, il n'est point de notre compétence d'examiner jusqu'à quel point cet ordre de choses donne de la prépondérance au pouvoir exécutif, jusqu'à quel point il peut influer sur la liberté civile et politique : nous nous contentons de faire observer que pour qu'une nation prospère, il lui faut de bonnes lois, et qu'elle ne sera jamais assurée d'en avoir de bonnes, lorsque le pouvoir législatif sera entièrement séparé de la puissance exécutive. -Quant aux abus ils sont inséparables des institutions humaines, parce que ces institutions, faites par des hommes, sont dirigées par des hommes, c'est-à-dire plus ou moins par les passions et par l'intérêt personnel. C'est par cette raison qu'il faut un remède contre les empiétemens du pouvoir exécutif, comme il en faut contre les écarts du pouvoir législatif : l'Angleterre en offre l'exemple (48).

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Nous n'avons distingué que deux pouvoirs essentiels, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Le pouvoir judiciaire n'est qu'une émanation de ce dernier; c'est un pouvoir délégué, non par la nation immédiatement, mais par son chef, son souverain. Il est confié à des fonctionnaires qu'on appelle magistrats, juges. Leurs fonctions consistent à punir les infractions aux lois, et à prononcer sur les litiges qui surviennent entre les particuliers. L'importance de pareilles fonctions exige que le pouvoir judiciaire soit soustrait à toute influence supérieure: c'est là le principe de l'inamovibilité des juges, et de l'indépendance de leurs fonctions. L'influence du gouvernement rend la justice arbitraire, parce qu'il est possible que des juges aient plutôt la crainte de déplaire, que le courage de résis

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